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Bernard Joyet (photo Chantal Bou-Hanna)

Bernard Joyet (photo Chantal Bou-Hanna)

On connaît de nombreux poèmes qui ont été mis en musique et sont devenus des chansons, on a moins l’habitude des textes de chansons qui, dits sans leur musique, redeviennent des poèmes ou des fables.
J’avais remarqué (sur le réseau social favori des seniors) qu’un chanteur, Bernard Joyet, avait été invité à dire les textes de ses chansons lors d’une soirée organisée par Gabrielle Sanchez*… J’ai trouvé ça singulier et, pour tout dire, j’étais un peu interloqué : pourquoi demander à un chanteur, auteur et parfois compositeur, de dire les textes de ses chansons et non pas les chanter ? J’ai voulu en savoir plus et j’ai demandé à Gabrielle Sanchez et à Bernard Joyet de me dire les circonstances de ce récital particulier et leurs impressions. Ils ont eu la courtoisie de se prêter au jeu et m’ont répondu longuement afin que je puisse écrire un article sur le sujet. Merci à eux.
Le rapport entre les mots et les notes, entre les paroles et la mélodie, est un sujet central pour qui aime à réfléchir sur la nature des chansons. Dans le cas des chansons dites « à texte », celles dont les paroles ont une grande importance, en tout cas plus que dans une chanson « à danser », on peut parfois se demander quel rôle joue véritablement la musique, et si un texte, à l’ambition littéraire manifeste, ne peut pas tout simplement s’en passer ?
On sait que le grand chanteur français Claude Nougaro avait fait une tournée intitulée Les fables de ma fontaine, un récital où, seul en scène, il « disait » les textes de certaines de ses chansons, sans le soutien d’aucun musicien.
La question qu’on peut se poser à cette occasion est la suivante : pourquoi un beau texte versifié doit-il nécessairement devenir une chanson ? Est-ce parce que le récital poétique n’est plus au goût du jour et qu’il serait difficile pour l’auteur de faire connaître son travail autrement qu’en chanson ? Pourquoi adjoindre une musique à un texte qui peut très bien se suffire à lui-même ?
Bernard Joyet nous donne des éléments de réponse et même des exemples de son travail (le même texte dit et puis chanté).

La genèse de ce récital.
Invité dans une soirée festive où il n’y avait aucun instrument de musique, Bernard Joyet accepta de dire deux ou trois textes de ses chansons. Le très bon accueil du public donna l’idée à Gabrielle Sanchez de l’inviter à faire la même chose dans son caveau, à Dijon. Ils tombèrent d’accord pour trois représentations. Pour raconter cette expérience, Bernard Joyet tient d’abord à préciser la manière dont il conçoit son « artisanat » : «  J’écris des textes sans me soucier de ce que sera la musique. On se rapproche plus d’une formule comparable à un film et la musique de film, ou d’une pièce illustrée par une musique… Donc mes « chansons » ne sont peut-être pas des chansons mais plutôt des histoires avec de la musique autour, et si je me retrouve dans le circuit des scènes où l’on chante, il m’arrive aussi de jouer dans les « théâtres du mot », chez les conteurs par exemple. »

Si un texte peut se passer de musique, pourquoi alors en faire une chanson ?
« Rien n’est obligatoire… Pour varier le plaisir si le texte peut être apprécié dans les deux formes.
Une chanson demande un interprète, un texte dit demande un comédien. Une autre question pourrait aussi se poser, une chanson qui « passe très bien sur scène » mérite-t-elle d’être enregistrée sur un CD ?… Et l’inverse… En ce qui me concerne, dès l’origine, je n’imagine pas une chanson, mais un texte suffisamment solide pour se suffire à lui-même, je me donne comme impératif de pouvoir le dire avant même de le mettre en musique. »
« J’y adjoins un morceau de musique que je voudrais joli à lui seul, qui devra se marier heureusement avec l’histoire. Pour cela, j’ai besoin d’un vrai musicien qui va dépasser mes compétences, qui va arranger ma musique. Je lui demande de me bousculer, d’aller sur des terrains que j’ignore. Cela, la plupart du temps sur des mélodies que j’aurai élaborées. Parfois sur sa propre composition. »
« J’ajoute qu’avant de chanter une nouvelle chanson, il est courant que je teste son contenu en disant le texte au cours d’un spectacle. »
Tous les textes de chansons sont-ils susceptibles d’être « dits » ?
« À mon avis, il n’est pas obligatoire qu’un texte soit une poésie, mais il est nécessaire qu’il soit un récit, une histoire, une fable. Je prendrai deux exemples qui me viennent à l’esprit : « Tranches de vie » de Béranger ou « Armand » de Michel Vassiliu (le frère de Pierre est l’auteur des chansons du début)… Les textes de ces chansons pourraient être dits. »
« On peut rapprocher cet exercice de celui qui consiste à lire un livret, sans connaître la chanson : certaines chansons sont « lisibles » sans la musique, quel que soit le contexte, d’autres non, ou tout du moins, elles ne sont lisibles qu’en tant que paroles d’une chanson. »

Le retour de l’expérience
« Les témoignages que j’ai de l’expérience que je viens d’effectuer à Dijon démontent un peu le système, puisque la plupart des gens ne me connaissaient pas en tant que chanteur, ils ont découvert mes textes, et ont immédiatement adhéré à l’idée de venir nous voir « en chanson » en avril prochain. Et avec cette surprenante réaction d’une personne trouvant dommage qu’on mette ces textes en musique !
Quel plaisir d’amener à la chanson des gens qui a priori n’en avaient pas envie ! » 

Comme j’insistais sur la question de savoir pourquoi ces textes d’auteur devaient devenir des chansons, question qui, à mon avis, est le cœur de notre sujet, Bernard m’a envoyé un autre message où il avait affiné sa réponse :
« 1 – Lorsqu’un texte est écrit, est-ce que son contenu peut dépasser la simple lecture ?
Si la réponse est non, il peut être édité sur papier.
Si la réponse est oui, d’autres étapes sont possibles : il peut être dit, clamé, mis en musique et chanté, théâtralisé, mis en scène…
Certains textes peuvent accéder à l’une ou plusieurs de ces étapes.
2- Si la musique est construite autour ou conçue en même temps qu’un texte, ou si le texte est écrit sur une musique, la question ne se pose plus de la même manière, car dans ce cas on réduit ce travail à la notion unique de chanson. Et on peut alors apprécier différemment les éléments qui la composent, leur cohérence, leur qualité, etc.
Dans le premier cas, l’idée de départ n’est pas la « chanson », mais de l’écriture et des débouchés qu’elle offre.
Dans le deuxième cas, il est question de chanson et des éléments qui la composent.
Je m’inscris plutôt dans le premier cas. Et j’éprouve un plaisir à partager un texte dans les trois dimensions : la lecture, la parole, la mise en musique. Et j’ajoute même une quatrième : l’interprétation. »

Que Bernard Joyet soit remercié une fois encore d’avoir bien voulu nous faire part de son expérience et de proposer des réponses à nos questions.
Le sujet est loin d’être épuisé, nous espérons que d’autres auteurs et amateurs de chansons y ajouteront leur grain de sel. Peut-être que nous finirons par comprendre un peu mieux ce qu’est cette chose si familière et pourtant si mystérieuse : une chanson.

Pierre Delorme

* Gabrielle Sanchez raconte : « Je suis une épidermique qui aime à partager, à provoquer des rencontres… je propose donc d’organiser trois spectacles privés, l’homme n’habite pas la porte dérobée d’à côté.
Tu as la place pour un piano ?
– En fait, c’est soit Clélia, le piano et toi… sans public. Soit toi, seul, avec tes textes, et un public.
Une première pour lui sous cette forme, et pour moi également : trois « premières » à remplir…
Quelques jours plus tard, un message : « On y va ! »
Pari lancé, tenu, et gagné ! »

Bernard Joyet, Catimini, version « dite »

Version chantée (au piano, Nathalie Miravette)

1 commentaire »

  1. Bernard Joyet est un artiste que j’aime beaucoup et que j’ai vu de très nombreuses fois. De mémoire je n’ai entendu ses textes qu’en chansons. Je viens d’écouter Catimini en version parlée et en version chantée, en ayant un fort a priori pour la version chantée, j’ai été stupéfaite par la différence de force des deux versions, la version parlée m’a touchée avec une force phénoménale, oserai-je dire jusqu’aux larmes, sans paraître ridicule ? Elle captive l’attention et on est suspendu aux mots. Quant à la version chantée, la mélodie nous emmène ailleurs, un peu loin du texte, et allège beaucoup le message. Très contente de cette petite découverte.

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