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Longtemps, je n’ai pas su, ou pas osé, mettre un nom sur le sentiment très doux que me procuraient certaines chansons, au point de vouloir les écouter sans cesse et de ne plus voir la réalité qu’à Tomber amoureuxtravers elles. Je dis chansons au pluriel, mais il n’y en avait qu’une seule à la fois, bien sûr, la force du sentiment pour la nouvelle venue effaçant la précédente. Mais toujours, je gardais secrète cette attirance irrésistible.
Puis, un jour, j’ai entendu une émission à la radio dans laquelle Georges Brassens expliquait qu’il pouvait rester pendant des jours amoureux d’une musique. J’ai donc compris qu’on avait le droit d’être amoureux d’une chanson, sans être ridicule, puisque Georges Brassens lui-même n’avait pas peur d’affirmer qu’il l’était parfois.
Il est difficile de dire de quoi au juste on tombe amoureux quand il s’agit d’une chanson : est-ce de sa mélodie, de ses paroles, de la voix qui la chante, des instruments qui l’accompagnent ? C’est un peu tout ça à la fois, sans doute. Lorsqu’on est amoureux d’une personne, c’est la même chose, on est amoureux de la personne tout entière, de sa présence, de ses gestes, sa manière d’être.
On peut avoir des réponses différentes à la question de savoir si la musique est plus importante que les paroles, ou bien l’inverse, mais une chanson qui nous arrive, c’est avant tout aussi un genre de présence, un son. Telle voix, avec tels instruments et telle inflexion mélodique sur telle syllabe, tel mot. Le tout nous est donné en bloc, à tel moment. Le plaisir que l’on y devine semble nous saisir soudainement et réveiller en nous quelque chose qui semblait lointain, quelque chose que l’on croit avoir toujours connu sans le connaître pourtant, qui a peut-être à voir avec l’enfance, ou pas. C’est une fenêtre qui s’ouvre sur un monde qui était là, à côté, et qu’on ne voyait pas. Un monde qui appartient à l’ordre de l’émotion et non pas de la réflexion.
Souvent, je suis tombé amoureux d’une chanson alors que je débarquais, ou qu’elle me tombait dessus, en son milieu, sans que j’aie entendu le début… comme une personne qu’on distingue soudain, parmi les autres, là, sans origine ni passé, et qui vous attire irrésistiblement. C’est comme une irruption dans l’existence, un monde qui s’ouvre. Et se refermera, ensuite.

Pierre Delorme 

4 commentaires »

  1. POMMIER Marc dit :

    Bien des chansons m’ont procuré ces sensations, je pense que c’est pareil pour nos rencontres !
    Ne serait-ce pas comme des aimants ?

  2. comte dit :

    Très beau texte. En plus, je comprends tout (souvent, ces textes sont pour les spécialistes, mais là c’est autre chose). L’émotion bien décortiquée.
    Bravo.

  3. Liliane Haussy dit :

    Souvent j’aime une chanson parce qu’elle exprime des idées ou des sentiments que je ressens profondément, mais sur lesquels je n’ai pas su mettre de mots. Alors je l’écoute en boucle !… Un exemple ? Ne chantez pas la mort (Jean-Roger Caussimon et Léo Ferré).

  4. Manon dit :

    Merci de m’enlever les mots de la bouche, ou plutôt de la tête !… ne possédant pas votre talent à manier si bien la plume.
    Oui, j’ai ce bonheur de tomber amoureuse sans cadence fidèle. Car ces chansons ne pleuvent pas, mais juste suffisamment.
    Un baume à ces quotidiens.

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