Récemment, La Chaîne parlementaire (LCP) diffusait ce qu’on appelait jadis une dramatique, « L’Espagnol », de Jean Prat, d’après le livre de Bernard Clavel, diffusée pour la première fois en 1967. Au cours du petit débat qui suivit, il fut question de cette époque « bénie » de la télévision, qui vit des réalisateurs tels que Claude Santelli, Jean Prat, Raoul Sangla, Stellio Lorenzi et quelques autres proposer des œuvres de grande qualité.
Un court extrait d’archives montrait Marcel Bluwal évoquer le suicide de son ami Jean Prat, désespéré d’avoir vu la télévision renoncer à cette culture populaire pour s’orienter vers ce qu’elle est petit à petit devenue aujourd’hui, y compris après l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. Puis Bluwal rappelait qu’à son arrivée à la direction des programmes de l’ORTF Claude Contamine, chef de cabinet d’Alain Peyrefitte, prononça devant une trentaine de ces réalisateurs qu’il avait convoqués ces paroles qui devaient précipiter quelques années plus tard le naufrage de la télévision : « Bon, messieurs, l’ère de l’artisanat à la télévision c’est fini, on passe à l’industrie. »
En matière de chanson et de radiodiffusion, le phénomène a été exactement le même, bien que plus tardif. Parfois, j’ai l’impression que certains amis amateurs de « bonne chanson » ne se sont pas encore aperçu de ce que sont devenus les services publics, Poste, hôpital, Education nationale, transports, audiovisuel, etc., et cela depuis plusieurs décennies maintenant. Ils pensent que leurs fossoyeurs, ceux-là mêmes qui ont transformé la culture en industrie culturelle, vont s’émouvoir si on leur dit à plusieurs que ça n’est pas juste de ne jamais entendre Frasiak, Lily Luca ou Frédéric Bobin sur France Inter. On dirait les anciens habitants d’un quartier rasé aux bulldozers et aux explosifs pour bâtir un centre commercial qui penseraient voir les maisons repousser en signant une pétition sur les réseaux sociaux.
Floréal Melgar
[…] Un monde fini […]