La peinture a ses naïfs et la chanson poétique aussi. Comme le peintre naïf couvre de couleurs avec minutie et obstination toute la surface disponible de la toile, sans véritable souci de perspective, de profondeur, le naïf de la chanson couvre son texte de clichés poétiques, traquant le moindre interstice où pourrait se glisser quelque mot considéré comme trop banal, ou encore un peu de trivialité, de « modernité » incongrue. Comme sur la toile du naïf, aucun espace libre qui pourrait donner un peu de champ à l’œil et à l’esprit, aucune profondeur. Nous sommes face à un mur opaque, un mur compact de « poésie ».
Cette impression de « trop-plein », d’absence de « plans », de jeux avec les distances, de travail sur les transparences, annihile toute possibilité de voir surgir l’inattendu entre deux mots, deux vers : l’impression d’apercevoir fugitivement la poésie, comme une étincelle.
Cette naïveté du peintre ou de l’auteur de chansons de qualité se confond avec la croyance que créer c’est remplir, toujours davantage, ne pas laisser de « trou », pas de vide.
Le vide et le plein dans le dessin ou la peinture, le dit et non-dit dans le texte de chanson, le « poétique » et le trivial, sont pourtant des éléments nécessaires qui ne vont pas les uns sans les autres. Comme la musique ne va pas sans le silence. C’est une affaire d’équilibre.
La beauté de la dentelle vient de la finesse du point et du motif, mais ils ne seraient rien sans les ajours. Dans la chanson « poétique » roborative des « naïfs », c’est bien les ajours qui manquent, un peu de vide, un peu de rien, pour que l’oreille respire.
Pierre Delorme
Des noms ! Des noms !
Histoire de vous fâcher avec l’autre moitié des ACI… [Celle qui n’a pas déjà pesté en lisant l’une ou l’autre de vos stimulantes réflexions défrisantes sur les ACI.]
Sur les conseils d’un critique j’ai commencé l’écoute de ses dix disques de l’année. J’avoue que, victime d’un ennui abyssal, je n’ai pas pu terminer le premier. Je ne citerai pas de nom, bien que mon pseudo me protège un peu des baffes et des balles, mais Partageuse a fort mal digéré la locution « groupe scolaire » dans la première chanson. Ça commençait très lourd.