Les ponts, la chanson connaît ça**. Celui d’Avignon, celui de Nantes ou bien du Nord, et ceux de Paris. Le Pont-Neuf et ses chanteurs satirico-politiques du XVIIe siècle, le pont des Arts cher à Brassens, et même ceux dont on ne sait pas le nom et sous lesquels on dort (Sous les ponts de Paris). Un peu plus loin de la capitale on trouvera celui de Joinville (A Joinville-le-Pont), puis Le petit pont de bois campagnard d’Yves Duteil, on pourra faire un saut jusqu’au pont de la Garonne de la Marie-Jeanne (Joe Dassin), et pour ceux qui n’hésiteraient pas à s’aventurer plus loin qu’en région, jusqu’au célébrissime pont des Soupirs, voire jusqu’aux Amériques et le Bridge sur les eaux agitées (Paul Simon), et enfin on reviendra, last but not least, au pont Mirabeau !
Le poème de Guillaume Apollinaire est un des plus célèbres de la poésie française. Que l’on vive à Paris, que l’on vive en province (pardon, en région), tout le monde connaît Le pont Mirabeau sous lequel « coule la Seine et nos amours ».
Les grands poèmes populaires comme celui-ci attirent la mise en musique plus sûrement que le miel les mouches. Mais Le pont Mirabeau semble l’emporter d’une courte tête (de pont) sur Demain dès l’aube de Victor Hugo et Le dormeur du Val d’Arthur Rimbaud, autres grands poèmes populaires richement dotés musicalement.
Sans vouloir les recenser toutes, on peut dire que les versions du poème d’Apollinaire abondent sur la Toile. Le célèbre Guillaume avait lui-même ouvert le bal avec la diction personnelle de son œuvre sur un ancestral « cylindre ». Ensuite, se succédèrent bien des façons différentes de chanter ces vers selon les époques, les modes, les styles. Valse parigote lente chez Léo Ferré, blues à l’arraché chez Louis Arti, variété tranquille chez Marc Lavoine, jazzy rive gauche pour Tachan, un détour à la Nino Rota pour Sophie Auster, version reggae crooner (Demain les chiens), valse folk (Nick Garrie), et j’en passe, il y en a beaucoup d’autres.
C’est chouette de savoir que la chanson avec laquelle la poésie était liée à l’origine se réapproprie les grands poèmes populaires. Tout le monde s’en mêle, connus et inconnus. C’est beau ! Bien sûr, il y a embouteillage sur le pont ! Mais… Nous attristons pas, allons de ce pas, avec Brassens, donner débonnaire, au pont Mirabeau, un coup de chapeau à l’Apollinaire *** !
Car, après tout, le même Brassens nous le dit : Il suffit de passer le pont !
Pierre Delorme
* Ce billet fait suite à la publication sur Facebook par Floréal de nombreuses versions chantées du Pont Mirabeau.
** Un « pont » dans une chanson est un passage qui diffère des couplets/ refrains avec généralement une autre mélodie et d’autres harmonies, voire un autre rythme. Les Beatles en furent friands (exemple : We Can Work it Out )
*** Les Ricochets, paroles et musique Georges Brassens.
L’ interprétation de Serge Reggiani, sur une musique de Louis Bessières.
La voix de l’auteur, Guillaume Apollinaire
Dans cette belle énumération de chansons au sujet des ponts manque la célèbre scie du pont résineux si cher aux pompiers : pin pon !
Ne négligeons pas la chanson de David McNeil qui se promène d’un pont à l’autre dans Paris, sur un bateau-mouche…
https://www.youtube.com/watch?v=cZQTXAsDyfM