Juliette Armanet, chanteuse à la mode, était invitée à participer à la cinquième édition du festival organisé par le quotidien Le Monde, du 5 au 7 octobre 2018 à Paris, sur le thème « Aimer ».
Il s’agit d’une série de débats, de rencontres où des personnalités représentatives de leur domaine d’expression ou de recherche échangent avec le public sous la houlette d’un journaliste du quotidien.
Juliette Armanet lors de cette rencontre est « revenue sur les amours artistiques qui ont scandé son parcours. Ses tours de chant évoquent en effet une variété française qui a su, comme elle, faire rimer romance et élégance » (Le Monde).
Nous ne reviendrons pas sur les choix du journal qui invite qui il a envie d’inviter, mais sur une phrase prononcée par la donzelle et reprise en titre du compte-rendu de sa rencontre avec le public : « Le bon public, c’est celui qui vient chercher l’abandon et qui se laisse faire. »
Cette phrase est tout à fait extraordinaire. Chère Juliette, vous nous la baillez belle !
Le « bon » public* serait donc prié de laisser son esprit critique, son intelligence et sa capacité à réfléchir à l’entrée de la salle.
L’idée qu’un public puisse être d’abord convaincu par la prestation de l’artiste avant de s’abandonner et de « se laisser faire » semble étrangère à cette jeune chanteuse de linotte. Elle ne veut pas faire d’effort pour convaincre, elle attend le public tout chaud tout rôti dans son fauteuil. Il doit être acquis d’avance.
Il est vrai que pour ce genre d’artiste le véritable travail consiste avant tout à activer ses réseaux, à faire fructifier ses relations dans les médias, soigner son image et s’adapter le mieux possible aux plans du « métier ». La scène, voire la composition et l’écriture ne sont que des activités annexes, des aléas. Alors convaincre le public par la qualité de sa prestation ne fait pas vraiment partie du plan de carrière. Le public « vivant » n’est qu’un inconvénient de cette activité, il convient donc qu’il paie sa place et se montre le moins gênant possible.**
Habitué aux critiques dithyrambiques, aux articles de complaisance, aux émissions de promotion et autres flatteries journalistiques, ce genre de personnage est incapable d’affronter un vrai public et de courir le risque de remettre éventuellement en jeu un statut complètement artificiel de « star en herbe ». Et s’il faut y passer quand même, le public est prié de bien vouloir s’abandonner et se laisser faire. Comme une oie blanche de roman de gare dans les bras d’un séducteur invétéré. Se faire baiser, en somme.
Pierre Delorme
* « Être bon public », cela veut dire être peu critique et peu regardant, marcher à tous les effets, fussent-ils médiocres, voire éculés ou encore de mauvais goût.
**On peut aussi, à l’instar de Françoise Hardy, s’affranchir de cette difficulté en refusant tout bonnement de paraître sur scène et en limitant sa carrière aux enregistrements et à la promotion médiatique. Cela lui a plutôt bien réussi.
Bien d’accord avec Pierre Delorme. Pour moi un bon public c’est celui qui est curieux, qui va découvrir et qui conteste éventuellement les propos de celui qui est sur scène, serait-ce un artiste. Je ne chante pas pour que l’on me déteste, mais je ne chante pas non plus pour qu’on m’aime. Je chante parce que j’ai quelques choses à dire et je le dis sous forme de spectacle. Je le partage avec des personnes. Pour moi le public ça n’existe pas. Ce sont des personnes que je rencontre, à qui je propose. Quand je joue un affreux Jojo raciste qui dresse son chien à reconnaitre les juifs, les étrangers et les PD j’espère bien ne pas être aimé.
Pierre, on connaît votre goût pour la Chine. Mais vous auriez pu nous éviter ce supplice chinois. Mes oreilles ne tolèrent pas la donzelle au-delà de quelques dizaines de secondes. Je n’ai guère de goût pour Véronique Sanson et son vibrato mais je ne pensais pas qu’une chèvre chantante pourrait parvenir à me la faire regretter.