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Sauver le monde 2C’est un genre de poète « officiel », bardé de décorations et chef de ceci et cela dans les rayons de la poésie française. Il est l’équivalent des « académiques » du Salon de la fin du XIXe siècle, il est de ceux qui règnent. Son œuvre est considérable, du moins sa quantité. Il écrit des pièces de théâtre, des essais et de longs poèmes qui confinent à la logorrhée. On ne le sent guère adepte du repentir, ni de la bataille âpre avec les mots. Il coule comme une fontaine, il lui suffit d’ouvrir le robinet et sa poésie coule à flots ! Il se trouve probablement un lectorat qui apprécie ses œuvres, cependant, on se demande si ces lecteurs existent vraiment et s’il ne s’agit pas uniquement d’un petit cercle académique restreint qui pratique l’entre-soi et les renvois d’ascenseur.
Mais ce qui, à mon avis, annihile toute tentative de reconnaître un véritable talent de poète à cet homme « arrivé » est le simple titre d’un des ses essais : La poésie sauvera le monde. Comme il est poète « officiel », il plaide pour l’importance de son domaine d’expression. On comprend et on imagine tout aussi bien un metteur en scène ou un peintre dire la même chose à propos du théâtre ou de la peinture qui eux aussi « sauveront le monde ». Pourquoi pas ? On peut voir là une volonté d’affirmer l’importance de son art, ou même l’Art en général, toujours en quête d’une légitimité à occuper les premières places dévolues généralement à toutes les activités de base nécessaires à la survie matérielle de l’humanité. L’activité intellectuelle ou artistique ne peut avoir lieu qu’une fois les problèmes matériels sans noblesse résolus.
Mais vouloir affirmer l’importance de sa discipline en écrivant qu’elle va « sauver le monde » prouve finalement a contrario qu’elle n’a guère d’importance, puisqu’on peut légitimement se demander si le monde court vraiment à sa perte et s’il a besoin d’être sauvé. Il est allé toujours assez mal, le monde, les témoignages à travers les siècles nous le disent, toutefois il continue de tourner, avec ses conflits, ses migrations, ses marchés, ses injustices, ses luttes, et l’annonce tous les quatre matins de sa disparition prochaine.
Aujourd’hui, il semble pourtant qu’une menace écologique réelle pèse sur la planète et à terme sur la survie de ses habitants. Bien des savants réfléchissent à la question et proposent des solutions, certains gouvernements commencent à s’en inquiéter timidement. Mais parmi toutes les solutions proposées, il faut bien constater que la poésie n’apparaît nulle part… Pauvre poète officiel décoré, honoré et primé ! Il suffisait pourtant de lui demander son avis, il aurait eu tôt fait de nous écrire la solution en une palanquée de vers libres et sans ratures, rapidement édités chez un ami éditeur, peut-être même dans la collection qu’il dirige lui-même dans une maison prestigieuse.
Bon, trêve de sarcasme et de jalousie sociale, je vais de ce pas écrire une chanson, car je vous le dis : en fait, c’est la chanson qui sauvera le monde.

Pierre Delorme

4 commentaires »

  1. Un partageux dit :

    Pierre est d’humeur taquine. Fort heureusement pour la paix civile, pas le moindre poète « officiel » n’habite son quartier. ;o)

  2. Cyril C.Sarot dit :

    J’ai assisté il y a une dizaine d’années à une conférence du poète, sur le rapport entre poésie et chanson.
    Il introduisit son intervention en affirmant que pour lui la chanson n’était pas un art inférieur à la poésie, et s’appliqua pendant une heure à démontrer le contraire.
    Puis une chanteuse (de qualité) interpréta quelques chansons qu’il avait écrites, qui confirmaient l’impression laissée par son propos, tant elles étaient mauvaises (comme si leur médiocrité devait être gage de l’infériorité présumée de la chanson).
    Je ne sais pas si la poésie sauvera le monde, mais ce jour-là elle n’a pas sauvé la chanson.

    //

    Que fait Jean-Pierre Siméon ?

    Sur le site Youporn
    on ne trouve pas
    de catégorie « poetry »

    je dis cela
    c’est pour faire avancer les choses

    (Frédérick Houdaer, cité de mémoire)

    • administrateur dit :

      J’ai assisté à deux de ses « pièces », dont un monologue harassant. Mais bon, on n’est pas obligé de plaire à tout le monde, comme on n’est pas obligé de tout aimer. L’antipathie pour ce personnage, sans aucun doute très arriviste et bien en cour, me vient surtout d’une soirée consacrée à Laurent Terzieff (qui venait de mourir). Il s’agissait surtout d’une série de témoignages. Le poète en question s’est pavané sur scène un bon moment et, prenant son témoignage sur Terzieff comme prétexte, il n’a parlé que de lui-même et de son oeuvre. Narcissique et satisfait, imbu et imbuvable. 🙂

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