Des citoyens français sensibles à la cause des réfugiés et favorables à leur accueil ont eu la bonne idée de recopier une partie des paroles de la chanson de Georges Brassens L’Auvergnat, sur des calicots qu’ils ont attachés à la clôture « inutile et coûteuse que « Les croquantes et les croquants,/Tous les gens bien intentionnés » ont érigée sur l’avenue du Président-Wilson à La Plaine-Saint-Denis, en pensant qu’elle serait infranchissable à la misère ! » Nul doute que ces « braves gens » ont, eux aussi, au moins une fois fredonné dans leur vie la chanson de Brassens, mais quant à mettre en pratique l’humanisme qui y est professé, c’est une autre paire de manches.
Vous me direz, c’est aussi un peu à ça que peuvent servir les chansons… être chantées sans conséquence. Combien d’entre nous ne se sont-ils pas défoulés en hurlant à tue-tête Les Anarchistes ou Ni Dieu ni maître de Léo Ferré ? Les chansons sont faites aussi pour ça, pour exalter des sentiments qui n’ont pas leur place dans la vie quotidienne ou qui sont simplement trop grands pour nous. On peut même les chanter, ces chansons-là, sans croire vraiment à ce qu’elles racontent ou sans les comprendre, simplement pour le plaisir mécanique de la sonorité des mots et des notes.
Mais là n’est pas la question et savoir si les gens qui ont décidé d’édifier cette clôture ont déjà chanté oui ou non la chanson de Georges Brassens est sans importance. En revanche, le fait que d’autres personnes jugent utile d’en copier les paroles en grandes lettres rouges pour que tout le monde les voie nous renseigne sur la valeur symbolique que peut prendre une chanson.
Écrire une chanson si belle que des gens aient envie de la recopier (tout ou partie) sur un mur, une chanson dont les paroles supportent d’être écrites en « grand », voilà qui pourrait être une noble ambition pour un auteur de chansons. Réussir à en écrire au moins une de ce gabarit. Une chanson d’une belle simplicité, comme un slogan. Une chanson grande comme ça !
Pierre Delorme