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François Morel (Photo DR)

François Morel (Photo DR)

La chanson française traditionnelle, celle héritée de la rive gauche et dont on ne saurait dire qu’elle est faite pour être « dansée » mais plutôt pour être écoutée, n’a plus vraiment droit de cité dans les médias et dans le « métier » en général, c’est-à-dire l’ensemble des gens qui vivent de l’industrie, ou plutôt du marché de la chanson.
N’importe quel nouveau venu, s’il frappe à la porte de ce métier avec ses chansons « de parole », se verra refuser l’entrée dans le système au prétexte qu’il est d’un autre âge, un « ringard ». Cependant, ce milieu-là semble bien tolérer certaines exceptions, qui confirment la règle, c’est bien connu.
Au titre des exceptions, la promotion et le soutien médiatique dont bénéficie François Morel sont tout à fait remarquables. A l’écoute de ses chansons, on imagine aisément qu’un inconnu se ferait recaler par n’importe quel producteur avec ce type de répertoire. Comme on peut difficilement imaginer que François Morel trouve un écho dans le métier grâce à des qualités vocales exceptionnelles, ou encore des audaces musicales très novatrices, voire des « paroles » d’un style qu’on n’a jamais entendu jusque-là, il faut bien se résoudre à admettre que sa seule célébrité déjà acquise de comédien est la source du soutien du « métier ». On ne prête qu’aux riches, c’est bien connu.
Il n’est bien entendu pas question de remettre ici en question le grand talent de François Morel et la qualité de son spectacle, sans doute fort bien ficelé. Non plus celui de Juliette (une autre exception tolérée par le système) qui le met en scène. La question qu’on peut se poser est celle de savoir pourquoi le showbiz tolère ces deux-là et les soutient alors qu’il en élimine tant d’autres sensiblement de la même eau.
La célébrité et le talent de François Morel le comédien/chroniqueur peuvent expliquer l’écho médiatique de François Morel le chanteur. Plus énigmatique est le succès de Juliette (qui n’encombre pas non plus les médias, il faut bien le dire) dont le talent et la verve sont aussi indiscutables. Mais peuvent-ils expliquer à eux seuls la tolérance* du « métier » vis-à-vis d’une artiste qui chante dans un style aussi ancien, « rétro » disait-on ?
A moins de penser qu’ils sont bien meilleurs que les autres (et pourquoi pas ?), ou d’une certaine manière plus « divertissants », on peut aussi imaginer que le métier (producteurs, critiques et autres faiseurs d’opinion) cherche à entretenir une toute petite portion de sa propre mémoire et garder une trace de ce qui se faisait il y a plusieurs dizaines d’années. Comme on garde dans un coin discret de son appartement la photo encadrée de ses grands-parents, sans vraiment savoir dire pourquoi. C’est une explication comme une autre à ces étonnantes exceptions.

Pierre Delorme

* Le seuil de tolérance dans ce domaine peut être perçu comme plus ou moins net et chacun pourra inclure dans la liste des exceptions les artistes qui lui semblent pouvoir en faire partie. Le cas de François Morel me semble emblématique.

3 commentaires »

  1. Ivan Perey dit :

    Bonne analyse. On peut préciser que Juliette a vraiment commencé à être populaire quand elle a signé chez Universal. Conséquence : disques bien distribués, promos, plateaux télé, salles remplies. Pour ce qui est de Morel, c’est la coqueluche (il en faut) du milieu « bobo de gauche qui écoute Inter et lit Télérama« . Je dis ça sans mépris, c’est pour faire vite. J’aime aussi l’écouter et le lire. Et c’est une tradition française qui perdure, entre Bourvil (les Deschiens) et Brassens, avec une pointe d’impertinence (Desproges). Reste à savoir s’il vendra beaucoup de disques. J’en suis moins sûr. Enfin, si nous avons connu l’époque où les Béranger, Escudero… remplissaient les sallles (sans média), maintenant c’est plus dur. Les moins de 40 ans ne vont pas entendre de la chanson française à texte (voir le public du Forum Léo-Ferré).

  2. Un partageux dit :

    « […] il faut bien se résoudre à admettre que sa seule célébrité déjà acquise de comédien est la source du soutien du « métier ». On ne prête qu’aux riches, c’est bien connu. »
    Oui bien sûr. Mais il faudrait sans doute ajouter une autre raison. Le théâtre est une discipline « noble » qui donne la légitimité culturelle. Combien de comédiens et comédiennes pas plus célèbres que cela ont pu pousser la chansonnette sans avoir un talent évident pour la chose ? Et bénéficier tout de même d’un écho « professionnel » pas désagréable ?

    • administrateur dit :

      Oui, vous avez raison. La chanson est un petit « à-côté », une sorte de divertissement enfantin et sympathique qui repose éventuellement de la grande Culture, une sorte de récréation. Notons que le TNP (Théâtre national populaire) à Villeurbanne ne programme jamais de chanson, mais qu’il a déjà programmé des « exceptions » : Agnès Jaoui (qui chante), Jane Birkin (qui susurre dans le micro), et cette année Lambert Wilson (qui chante « Yves Montand »). Peut-être François Morel dans la programmation l’année prochaine ?

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