L’immarcescible Johnny se lamente : s’il n’était pas chanteur, dit-il au Parisien*, il irait combattre les djihadistes. Mais voilà, c’est dommage, il est chanteur, sinon ça voudrait barder !
Ça fait forcément penser à ces chanteurs et autres entertainers qui n’ont pas pu combattre les nazis durant la Seconde Guerre mondiale parce qu’ils étaient artistes, les pauvres ! On voit ça très bien dans Chantons sous l’Occupation**. Les Cocteau, Morgan, Trenet, Chevalier, s’accommodant apparemment très bien de la présence de l’occupant à Paris. Sûr que s’ils n’avaient pas été artistes, ils auraient pris les armes, comme Johnny aujourd’hui ! Et comment que ça aurait bardé pour les Boches ! Mais voilà, on ne peut pas tout faire. Artiste ou combattant, il faut choisir.
D’autres, par le passé, n’eurent pas comme l’ancienne « idole des jeunes » ce sens du caractère sacré de leur art. Jean Gabin, acteur célèbre à cette époque, avait fait son choix et s’était engagé dans l’armée française. Ce patriotisme lui a coûté cher à son retour, plus personne ne voulait le faire tourner… Allez comprendre, peut-être était-il devenu une sorte de reproche vivant, de mauvaise conscience, dans ce petit milieu d’artistes parisiens. Et ne parlons même pas de Robert Lynen, le « Poil de carotte » du film de Duvivier de 1932, qui alla jusqu’à penser qu’en cette période troublée de l’Occupation il y avait peut-être plus important que son art en rejoignant le maquis, ce qui lui vaudra d’être déporté en Allemagne puis d’être fusillé à l’âge de 23 ans.
Bon, Johnny, lui, ne prend pas les armes contre les djihadistes parce que son devoir de chanteur l’appelle… C’est bien normal, l’appel du devoir est sacré. Pourtant, avec un tel prénom, il aurait pu se souvenir du film Johnny Got His Gun***. Le héros, si l’on peut dire, en est un soldat mutilé de la Première Guerre mondiale. Parti fièrement au combat, il ne reste plus de lui que le tronc et la tête. Et peut-être que, depuis le temps qu’on le rafistole, il ne reste aussi de Johnny que le tronc et la tête ? Encore que pour la tête, on peut se poser des questions.
LTG
* L’a-t-il vraiment dit comme ça, ou bien le journaliste arrange-t-il la phrase à sa sauce pour augmenter la collection des âneries célèbres de l’Idole ? Nous ne le savons pas.
** Chantons sous l’Occupation est un documentaire réalisé par André Halimi en 1976, dont le sujet est l’attitude des artistes, chanteurs ou autres entertainers, pendant l’Occupation.
*** Johnny Got His Gun, 1971, en français Johnny s’en va-t-en guerre !, est un film réalisé par Dalton Trumbo, écrivain et scénariste américain né en 1905. C’est l’unique film qu’il réalisera (à partir de son roman éponyme, 1939), à l’âge de 66 ans. Il est mort en 1976.
Salut
Tout le monde n’a pas le tempérament d’Ambrose Bierce, le vieux gringo, parti à 71 ans rejoindre la révolution mexicaine avec Pancho Villa… Toutefois, on peut aussi se demander ce qu’un type de plus de 70 ans pourrait faire dans une armée moderne sur un territoire extérieur. Pour not’ Jojo, je rejoindrais volontiers le premier astérisque, le doute est permis et doit profiter à l’accusé…