D’habitude, je hais les « Carrés TGV ». Je les maudirais même. Sauf le jour où, pour la première fois, ils ont généré une belle rencontre. Nous étions à Aix-en-Provence quand deux guitaristes (trahis par les courbes des housses de leurs instruments) sont venus s’installer en face de nous. Ils ont entamé entre eux une de ces conversations qui vous empêchent de lire, mais pour une fois je n’ai pas regretté de fermer un volume à peine entamé. Parce qu’ils parlaient de leur(s) musique(s), d’un album à paraître et de concerts à venir.
Le convoi abordait les confins de la gare de Lyon, les freins faisaient déjà leur office, quand, violant ma timidité, je leur ai demandé leurs noms pour pouvoir aller les écouter sur YouTube. Le premier m’a dit : « Patrick Ruffino. » Quelques heures plus tard, de retour chez moi, je lirais que ce chanteur et bassiste d’origine béninoise avait « baign[é] enfant, dans diverses musiques africaines » puis découvert le jazz, le funk, le reggae… et marié le tout dans son afro-funk groove*.
Pour le second, le bruit des voyageurs les plus pressés de descendre faisant son œuvre, j’ai compris « Manuel Quelquechose ». Je n’ai pas osé lui faire répéter, me disant in petto que j’en appellerais à mon moteur de recherche préféré. Ce que j’ai fait pendant une heure au moins. Avant de triompher, en jouant des indices retenus comme des pièces d’un puzzle.
Le concert que le premier devait donner à Lille le soir-même, l’avant-dîner jazz manouche dans un restaurant du quartier japonais de Paris qui attendait le second ne m’ont pas mené bien loin.
Restait un prénom : « Paco. » Le premier l’avait cité comme celui d’un musicien qu’il accompagnait parfois. Les ayant associés dans la fenêtre de recherche, j’en ai conclu qu’il s’agissait de Paco Séry. Le second (dont je cherchais le nom, je rappelle pour ceux d’entre vous que j’aurais perdus en route) ayant raconté qu’il avait vu ce même Paco, alors débutant, à Madagascar, j’ai consulté la date de naissance de Paco Séry : 1956. De quoi j’ai pu déduire que le mystérieux guitariste, d’évidence moins âgé que moi, devait être un bien jeune spectateur à l’époque, et pourquoi pas natif de l’île Rouge ? Et de saisir aussitôt, entre guillemets : « guitariste malgache jazz manouche » pour aboutir aux prénom et nom de Michel Randria. Lequel ne se contente pas de marcher dans les brisées du grand Django, à en écouter son duo avec François Bonnet – au bout du premier lien ci-dessous.
René Troin
* Source : Afrisson.com
Ecoutez Michel Randria et François Bonnet.