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ColetteChevrotSur mon Teppaz, j’ai écouté Les Livres et les cahiers par Colette Chevrot. Et dès les premiers mots, j’ai entendu une autre chanson. Alors, j’ai laissé filer mon imagination jusque dans le bureau d’un proviseur imaginaire où aurait pu se dérouler, un matin de la fin de juin 1966, cette réunion extraordinaire :
Le proviseur : Colette, Jean-Pierre, et vous aussi Jean-Joël, si je vous ai convoqués en même temps que votre professeur principal, c’est que nous avons un petit problème avec le travail collectif que nous vous avons demandé.
Jean-Joël : Vous n’avez pas aimé notre chanson, monsieur ?
Le proviseur : Au contraire, elle est très bien. Trop bien même, dirais-je après avoir entendu les réserves formulées par votre professeur principal…
Le professeur principal : Mes remarques ne concernent que les paroles.
Jean-Pierre (lâchement soulagé) : Moi, je n’ai fait que la musique.
Jean-Joël (solidairement intéressé) : Et moi, je me suis contenté de t’aider, hein, Jean-Pierre !
Le proviseur : Colette, vous seriez donc seule responsable des paroles…
Colette : Oui, monsieur, et j’en suis fière.
Le professeur principal : Il n’y a pourtant pas de quoi, mademoiselle ! Votre refrain, « Qu’as-tu donc appris aujourd’hui / Mon tout petit garçon ? / Tous ces beaux livres et ses cahiers / Que t’ont-ils raconté ? » en rappelle furieusement un autre, vous ne trouvez pas ?
Colette (ne cédant pas une once de son assurance) : Et lequel ? J’aimerais bien savoir !
Le professeur principal : Si vous insistez, je cite : « Qu’as-tu appris à l’école, mon fils / A l’école aujourd’hui ? / Qu’as-tu appris à l’école, mon fils / A l’école aujourd’hui ? »
Colette (un peu déstabilisée) : J’avoue que l’idée est un peu la même, mais de là à en conclure…
Le professeur principal (l’interrompant) : Les couplets aussi ont comme un air de famille avec d’autres. Comparons, si vous voulez bien, « Ils m’ont appris que les assassins / Payaient leurs crimes et que c’était bien / Même si de temps en temps par malheur / Il arrivait une toute petite erreur » avec « Que les gendarmes sont mes amis / Et tous les juges très gentils / Que les criminels sont punis pourtant / Même si on s’ trompe de temps en temps » ; ou encore : « Ils m’ont parlé de nos grandes guerres / Que l’on avait raison d’en être fiers / Et comme on dit que tout recommence / Ils m’ont promis qu’un jour j’aurai ma chance » et « J’ai appris que la guerre n’est pas si mal / Qu’il y a des grandes et des spéciales / Qu’on s’ bat souvent pour son pays / Et p’t’être j’aurais ma chance aussi. » J’arrête là ou je continue ?
Colette (ayant repris tout son poil de la bête) : Arrêtez avant d’achever de vous ridiculiser !
Le proviseur : Mademoiselle, vous dépassez les bornes !
Colette (l’ignorant, et toujours à l’adresse du professeur) : C’est bien avec des extraits de Qu’as-tu appris à l’école ? que vous comparez mes paroles ?
Le professeur principal : C’est parfaitement exact.
Colette : Excusez-moi, mais nous sommes bien le vendredi 24 juin 1966 ?
Le professeur principal (pointant un index machinal vers le calendrier le plus proche) : Bien sûr, mais je ne vois pas ce que ça change.
Colette : Moi si ! La chanson de Graeme Allwright que vous me reprochez d’avoir copiée ne paraîtra que dans deux ans !
Jean-Joël (faisant chorus comme avec sa guitare) : Bravo, Colette ! Bien envoyé ! (puis, plus bas, à l’oreille de Jean-Pierre) : Tu connais, toi, Crème Light ? C’est un groupe ?
Le proviseur (dépassé, à l’intention du professeur) : Mais enfin, mon ami, dites quelque chose !
Le professeur principal (levant vers le plafond des yeux qui auraient vu la Vierge) : Monsieur le proviseur… J’ai du mal à y croire et à trouver mes mots… Colette est l’innocente victime d’un plagiat par anticipation*.
Colette : Quelle fin délicieuse** !

René Troin

* François Le Lionnais, membre historique de l’OUvroir de LIttérature POtentielle,
a théorisé la chose : « Il nous arrive parfois de découvrir qu’une structure que nous avions crue parfaitement inédite, avait déjà été découverte ou inventée dans le passé, parfois même dans un passé lointain. Nous nous faisons un devoir de reconnaître un tel état de choses en qualifiant les textes en cause de “plagiats par anticipation”. » (La Littérature potentielle, Idées/Gallimard, 1973, p. 27).

** Soit, réduit à quatre initiales : CQFD.

Colette Chevrot, Les livres et les cahiers (paroles : C. Chevrot – musique : Jean-Pierre Lang et Jean-Joël Favreau).

Colette Chevrot connaissait-elle What Did You Learn at School Today ? (l’original de Qu’as-tu appris à l’école ?) gravé par Tom Paxton en 1964 ? Ou bien, familière des cabarets parisiens, a-t-elle entendu un Graeme Allwright débutant chanter son adaptation de ce titre américain plusieurs années avant de l’enregistrer sur l’album Le Jour de clarté ? Quoi qu’il en soit, comme je me suis un peu moqué (gentiment) de Colette Chevrot, voici, pour me faire pardonner, un document dans lequel Georges Brassens dit tout le bien qu’il pense d’elle.

5 commentaires »

  1. Salut,
    Très bien ce retour sur cette artiste… C’est grâce à elle que Moustaki a rencontré Crolla (et donc Piaf). Colette Chevrot, en 1958, avait entendu une des dernières compositions de Crolla, pour Edith (Monsieur P’tit Louis), et elle avait repéré quelques correspondances avec une chanson de Moustaki, peu connue, et pour cause, non éditée ni enregistrée ; elle l’a donc signalé à Crolla, qui avait un souci extrême de ne pas copier, même involontairement, c’est pour ça qu’il a cherché et réussi à rencontrer Moustaki pour éclaircir l’histoire… Jo a souvent relaté cette anecdote, mais peu de journalistes ont cité Colette Chevrot.

    • René Troin dit :

      Où la réalité rejoint la fiction : si Crolla avait continué de tout ignorer de la chanson de Moustaki, il aurait pu accuser ce dernier de plagiat par anticipation. Et ce, en toute bonne foi (pour une fois) !

      • En fait, Moustaki a appris en 2002, au cours d’un tournage pour la RAI Uno d’un film sur Crolla, qu’il y avait un détail important qu’il ignorait. Quelques mois avant cette réflexion de Colette Chevrot, Crolla, avec Colette (sa femme) et des amis déjeunaient dans un resto sur la Côte d’Azur, et un jeune homme a chanté quelques chansons. Il s’est esquivé aussitôt son tout de chant terminé, et Crolla n’a pas eu le temps d’aller le voir. C’est pour ça que la réflexion de Colette Chevrot l’a interpellé au vif, et qu’il a tout fait pour retrouver Moustaki. Comparaison faite, le plagiat n’était pas vraiment évident, selon Moustaki, mais Crolla a tenu à partager les droits. Moustaki a été très touché quand il a appris ça en 2002, Colette Crolla ne lui en avait jamais parlé. Elle a eu une sorte d’amnésie en 1960, qui a effacé 2/3 ans de souvenirs… Et puis, à force de raconter sa vie à des inconnus qui débarquaient 35 ans après, des choses sont revenues petit à petit… Voilà pourquoi la biographie de Crolla a traîné longtemps. Aujourd’hui, elle est pratiquement achevée.

  2. daniel popp dit :

    Bonjour,

    Depuis que mon père André Popp compositeur, arrangeur, chef d’orchestre est décédé, il y’a 8 ans déjà, je fais connaitre son oeuvre sur mon profil F B qui lui est dédiée https://www.facebook.com/daniel.popp.31945/. Comme je tombe sur ce sujet, j’ai le regret de vous informer, si vous n’étiez pas au courant, que Colette Chevrot est décédée, il y’a deux déjà, dans sa maison de Colombières au fin fond des Cévennes où elle s’était retirée au tout début des années 70.

    • administrateur dit :

      Merci pour votre message et pour l’information. L’article date de plusieurs années et son auteur, notre ami René Troin, est également décédé, il y a six ans.

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