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C. SèvresEn plaidant pour qu’on lui accorde les « circonstances atténuantes (1) », Pierre a provoqué l’une de ces tempêtes dans un verre d’eau qui servent de bataille d’Hernani au petit monde de la chanson. Son contradicteur, LM (ses seules initiales signent son commentaire), agacé de lire une fois de plus (une fois de trop ?) qu’on n’en fait plus de nos jours des chansons de la trempe d’Amsterdam ou de
La Non-Demande en mariage, a revendiqué pour trois chansons récentes et de son goût la distinction de « classiques de maintenant ». L’oxymore est plaisant, il a même, à un mot près, servi de titre à une collection du Livre de poche – « Les Classiques d’aujourd’hui (2) ». Mais un « classique » en littérature, au cinéma comme dans la chanson, c’est une œuvre dont le fond et la forme sont assez forts pour être toujours « d’actualité » – et donc toujours lue, vue ou chantée, plusieurs dizaines, voire centaines d’années après sa création.

Je comprends l’agacement de notre lecteur, car nous tenons ici, plus souvent qu’à notre tour, des propos énervants. Cependant, je crains qu’il ne confonde « classique » et « culte ».
Or les œuvres relevant de cette dernière catégorie, selon la définition du dictionnaire le plus « classique » – le Larousse illustré« suscite[nt] l’enthousiasme d’un public généralements restreint ». Une fois son agacement retombé, LM reconnaîtra certainement que les titres qu’il cite sont « cultes » – ce qui n’empêche en rien qu’ils deviennent un jour « classiques ». Des chansons-cultes, nous en avons tous. Moi, j’ai L’Homme de Brive de Jean-Max Brua. Cela posé, j’ai bien peur que cette variation sur le thème de la brève rencontre ait du mal à se propager pour être largement connue et surtout… perdurer. Il lui manque une mélodie qui se siffle ou se fredonne au pas de promenade. Ce qui n’est pas le cas d’une autre de mes chansons-cultes : Tu es venu dans l’interprétation solaire de Christine Sèvres. L’air s’attrape à la première écoute (c’est du Jean Ferrat). Quant aux paroles (qui sont du même Jean Ferrat), dont voici un couplet suivi d’un refrain

 J’avais pour tout bagage une paire de bas
Une robe trop longue et le panier du chat 
Serré contre mon cœur comme une rose tendre
Je claquais à tous vents mes vingt ans au beffroi
J’étais sarment dans l’âtre et la flamme à la fois
Mes lèvres en gardaient toujours un goût de cendre

Et puis, tu es venu
Vois comme mes mains tremblent

il me semble qu’elles soutiennent la comparaison avec

Laisse-moi devenir
L’ombre de ton ombre
L’ombre de ta main
L’ombre de ton chien
Ne me quitte pas

Pourtant, j’ai consulté plusieurs compilations sur le même thème – jusqu’aux 100 plus belles déclarations d’amour en musique. Eh bien, j’y ai toujours trouvé Ne me quitte pas, jamais Tu es venu. Peut-être parce que l’histoire finit bien, alors qu’il n’y pas d’amour heureux. Si mon hypothèse est la bonne, il ne me reste plus que la prière pour que Tu es venu rejoigne les classiques…
Sinon, le contradicteur cité plus haut traite mon copain Pierre de suppôt d’André Manoukian. Alors là, je préfère prévenir : faudra pas me pousser beaucoup plus pour que je me lance dans une défense et illustration de Dédé-le-mal-rasé. Et ça, je sens que ça va encore être agaçant.

René Troin

(1) Pour relire le plaidoyer pro domo de Pierre :

 

(2) Néanmoins, cette collection proposait des titres ayant triomphé de l’épreuve du temps : Les Liaisons dangereuses, Le Spleen de Paris, Le Journal d’une femme de chambre…

Cliquez pour écouter Christine Sèvres :

4 commentaires »

  1. LM dit :

    C’est vrai, il est fort possible que j’aie un peu mélangé culte et classique, je fais amende honorable sur ce point. Et je rejoins parfaitement la phrase : » […]les titres qu’il cite sont « cultes »  » – ce qui n’empêche en rien qu’ils deviennent un jour « classiques ».
    Culte, c’est déjà pas mal. Je continue par contre à m’insurger (oh, mais le mot est bien fort, j’en conviens!) contre une sorte de passéisme qui voudrait que ce qui était avant est indépassable et que ce qui vient serait fade. Chaque époque a ses artistes, au-delà des goûts de chacun. Et c’est justement aux médias, rares, qui parlent de chanson francophone, et dont je fais un peu partie, malgré moi, qu’il incombe de parler aussi des vivants, au succès restreint, mais qui sont bel et bien là, avec qui il faut compter, et qui ont des belles choses à dire et chanter. Belles chansons, puissantes, peu importe qu’elles soient cultes ou classiques, mais on ne peut pas toujours utiliser des références comme Brel, je ne suis même pas sûr que lui-même en aurait demandé autant.

  2. COATLEVEN dit :

    Juste une anecdote au sujet d’Amsterdam considéré nous dit-on comme un classique de la chanson.
    Voici quelques années j’ai entendu, sur Radio Bleu, François Rauber, chef d’orchestre et arrangeur de Brel, qui je pense en connaît un rayon en la matière, déclarer qu’Amsterdam était en terme de Chanson (adéquation entre ce qu’il est permis de faire entre texte et musique) une hérésie et une véritable aberration rejetée par n’importe quel puriste.
    Il avait d’ailleurs presque convaincu Brel de ne pas la chanter (lui même ne la sentait pas).
    Ça pose question. Qu’est-ce véritablement qu’un classique ? Une œuvre parfaite ?
    Ça pose également question au sujet de tous les prétendus « mélomanes » qui écoutent de la chanson.

    • administrateur dit :

      On peut être un arrangeur de génie et ne pas détenir la vérité en matière de chanson. L’histoire de l’art est remplie « d’hérésies », « d’aberrations » diverses que la postérité a retenues, alors qu’elle oubliait des œuvres « bien faites » selon « ce qui est permis ». Des toiles comme Le Déjeuner sur l’herbe de Manet, devenu un classique, furent brocardées et rejetées par les puristes de l’époque. La postérité ne tient pas compte des puristes. Quant aux « prétendus mélomanes », qui sont-ils ? Sans doute le savez-vous ?
      Pierre Delorme

      • administrateur dit :

        Voici une réponse peut être un peu pompeuse mais qui n’engage que moi :
        Les mélomanes, c’est vous par exemple, qui savez et qui pensez, à juste titre, qu’un chef-d’œvre, pour devenir ce qu’il est, peut parfois s’affranchir des règles et des convenances. Pour autant dans le cas d’Amsterdam vous ne niez pas les propos tenus par François Rauber, vous les admettez tout en passant outre.
        Un « littéraire » c’est celui qui sait que le génie de Saint-Simon est à chercher ailleurs que dans l’orthodoxie de son style.
        Un prétendu mélomane c’est, comme un prétendu littéraire qui croit que le style de Saint-Simon sous prétexte qu’il est un écrivain classique est inattaquable et qui vous le soutient mordicus, quelqu’un qui croit que le style de Jacques Brel en tant que musicien ne peut être ni critiqué ni remis en question. Et qui, du coup, parce qu’il aime lui aussi cette œuvre inattaquable se prend pour un mélomane.
        Cordialement.
        André

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