Laissons donc Richard s’en aller et revenons à nos moutons, ou nos dadas, si vous préférez. En parlant avec mes élèves, je me suis entendu dire un jour que telle chanson de l’âge d’or de la rive gauche avait aujourd’hui presque soixante ans ! La pauvre chanson, qui me semblait d’hier à peine, a pris un sérieux coup de vieux… et ma pomme aussi! En effet, me dis-je in petto, lorsque j’avais vingt ans moi-même, un refrain de soixante ans aurait été celui d’une chanson de 1910 ! Avant même la guerre de 14-18… quel abîme ! J’ai pu mesurer à quel point les premières chansons de Brassens, par exemple, pouvaient sembler lointaines à mes élèves (qui étudient le chant et la chanson), aussi lointaines que l’était pour moi le début du XXe siècle, dans les années soixante-dix. Bref, nos points de repère, et les chansons en font partie, qui accompagnent notre présent ont tôt fait d’appartenir au passé pour les nouvelles générations. En fait, je me suis dit que, comme chaque amateur de chanson, même s’il me semblait avoir du goût pour les chansons vivantes, celles qui me touchent le plus sont déjà des pièces de musée, qui témoignent de leur époque et de la sensibilité de nos générations. Elles peinent forcément à faire vibrer les plus jeunes qui vivent aujourd’hui dans un contexte culturel et social très différent, qui façonne leurs sensibilités tout autrement que les nôtres. Rien n’est intemporel.
Bien sûr, tout ça nous l’avons déjà dit, d’une manière ou d’une autre, mais, pour paraphraser André Gide, « comme personne n’écoute, il faut toujours répéter ». Et il fallait bien laisser Richard s’en aller et combler l’espace vide qu’il a laissé à la place du billet de notre page d’accueil.
Pierre Delorme
Pourtant régulièrement il y a des surprises: je me souviens du grand succès de Renaud dans les années 80 reprenant le répertoire de Bruant et de Fréhel, plus loin encore de Marie-Paule Belle ou Roger Pierre et Jean-Marc Thibaud reprenant les chansons grivoises 1900. Dans quelques mois France Gall va reprendre avec une troupe de jeunes tous ses succès dont certains remontent aux années 60. Alors oui la chanson est avant tout dans l’air du temps mais parfois il y a un goût de revenez-y.
Et Benjamin Biolay sortira bientôt un cd hommage dans lequel il reprend les chansons de Trenet…
En effet, on peut bien sûr reprendre d’anciennes chansons. Rien n’empêche de visiter les musées ou de farfouiller dans un grenier. Pierre Delorme