Sur mon Teppaz, j’ai écouté Liverpool par Christine Nérac. Encore une fois, il a fallu que je cherche longtemps pour trouver quelque chose à ajouter à cette première phrase. Pourtant, Encyclopédisque affiche six 45-tours sous le nom de cette chanteuse – d’aucuns, avec des discographies plus brèves, sont entrés dans la légende. Sur le premier, il y avait Ne t’en va pas, dont un commentateur affirme, sur YouTube, qu’« à l’époque, quand on dansait là-dessus, je peux t’assurer que c’était génial ». Je le crois sur parole ; moi, en 1964, j’étais encore un poil trop jeune pour cette sorte de sorties. N’empêche, la chanson a certainement eu un joli succès, puisque la maison Fontana a misé sur son interprète jusqu’à lui faire graver quatre 45-tours en 1965(1). Et Gilles Loison raconte que cette même année François de Roubaix, qui vient de signer le thème du feuilleton Les Survivants avec Yves Josso, poursuit sa collaboration avec ce même parolier, lequel utilise parfois le pseudonyme de Vonnick : « Les deux jeunes auteurs […] [a]yant imaginé des interprètes possibles tels qu’Yves Montand, Cora Vaucaire, Jean-Claude Pascal, Claude François ou encore Sacha Distel » se tournent vers Christine Nérac. Las ! celle-ci « n’eut pas le temps [d’]inscrire [leurs chansons] à son répertoire, voyant sa carrière assez vite interrompue après une participation malheureuse à la Rose d’or d’Antibes […](2) ». Et qu’avait-elle chanté sous la pinède ? L’Avalanche. C’est malheureux, mais il faut se résoudre à l’évidence : un titre pareil, t’es pas sûr de t’en tirer. De toute façon, une carrière qui s’ouvre avec Fais attention pour s’achever sur Tant mieux si tu pars, était bien barrée pour mal se conclure. Christine Nérac aura quand même eu le temps de sentir le vent venir de Liverpool. Cette chanson(3) sonne un peu comme la rencontre du Merseybeat(4) – un batteur sommaire et un soliste sans fioritures – et des Amants d’un jour(5) – « Et là-haut sur le pont d’acier la fille tend les mains / Mais sans un regard le garçon passe son chemin / […] / Et là-haut sur le pont d’acier les yeux noyés de pleurs / La fille pousse un cri pareil au cri d’un remorqueur ». Après ça, on a le choix entre un Ticket to Ride(6) ou un ticket de quai(7).
René Troin
(1) Source : Jukebox Magazine n° 257, p. 28.
(2) Gilles Loison (texte) et Laurent Dubois (iconographie), François de Roubaix, charmeur d’émotions, éd. Chapitre Douze, 2006.
(3) La Québécoise Renée Martel la reprendra trois ans plus tard, en 1967.
(4) Ce terme désigne la scène musicale de Liverpool (où coule la Mersey) au début des années 60. En dehors des Beatles, on trouve parmi ses représentants les plus célèbres Gerry and the Pacemakers, Rory Storm and the Hurricanes, The Swinging Blue Jeans ou The Remo Four.
(5) Titre d’Édith Piaf.
(6) Ce titre d’un succès des Beatles peut se traduire par « laissez-passer ».
(5) Les jeunes qui tomberaient par inadvertance sur cette chronique feront comme à l’accoutumée : ils demanderont à leurs grands-parents ce que c’était.
Christine Nérac, Liverpool (paroles : Eddy Marnay – musique : Guy Magenta), 1964.