Sur mon Teppaz, j’ai écouté Syracuse par Tiny Yong. Thien Huong Ton Nu Thi, de son vrai nom, est née au Cambodge de parents vietnamiens. La télévision la présente comme « la yéyé du pays du sourire ». Sachant que cette phrase toute faite est associée à la Thaïlande, on peut en conclure une fois de plus que les Français sont nuls en géographie – ce qui n’est pas tout à fait vrai puisqu’ils ont une bonne connaissance des lieux communs.
Quand sa famille arrive en France, la jeune fille a 14 ans. Elle prend des cours de théâtre et fait ses débuts du côté de chez Camus (Les Justes) et Cocteau (L’Épouse injustement soupçonnée). Au cinéma, c’est Robert Hossein qui lui donne son premier rôle dans Le Jeu de la vérité, aux côtés de Perrette Pradier et Paul Meurisse. Mais ce qu’elle préfère, c’est la chanson. Elle se produit à la Table du Mandarin, un restaurant du 1er arrondissement parisien et, en 1961, enregistre, pour la marque Caravelle et sous le nom de Thien Huong, la chanson du film Le Monde de Suzie Wong. Deux ans plus tard, elle est, après Jacky Moulière et une fois rebaptisée – au prix d’un léger jeu phonique sur son état civil – Tiny Yong, la deuxième signature des disques Salvador que Monsieur Boum Boum et Jacqueline, son épouse, viennent de créer.
Moi, j’ai 11 ans. C’est l’année d’avant la communion solennelle. Pas question de manquer la messe du dimanche. Encore moins de traîner avec les copains. L’Ite Missa est résonne encore que je cours déjà contre la montre (que je n’ai pas puisque, selon une tradition alors bien établie, on ne me l’offrira qu’un an plus tard) pour arriver chez moi avant le générique du rendez-vous radiophonique hebdomadaire animé par Henri Salvador en personne. Et bien m’en prend. Car si tonton Henri, en producteur avisé, a bien sûr, pendant quelques semaines, diffusé à haute dose les deux titres phares du premier 45-tours de Tiny – Tais-toi petite folle (adapté du Foolish Little Girl des Shirelles) et En rêve (In Dreams, de Roy Orbison), une fois, pour se faire plaisir, il choisit le quatrième titre, celui qu’on ne passe jamais : Syracuse. Oh ! cette voix fragile sur un arrangement arachnéen, et dans ma tête les doux traits de l’interprète dont j’ai vu la photo dans Salut les copains. Vous savez quoi ? Pas sûr qu’il m’aurait fait le même effet le petit chef-d’œuvre du duo Dimey/Salvador si je l’avais entendu pour la première fois par Yves Montand, le chanteur préféré de mes… vieux.
Après une carrière brève mais intense (dix 45-tours et un 25 cm en quatre ans, de multiples galas dont un sur le France et un autre devant la reine de Suède), Tiny Yong met un terme définitif à sa carrière de chanteuse en 1968. Elle part pour Saïgon, revient à Paris deux ans plus tard, y ouvre un premier restaurant… D’autres suivront, à Pont-sur-Yonne puis à Montpellier. Sachant que tiny, en anglais, ça veut dire menu, on goûtera cette chute qui ne tombe pas à plat.
René Troin
Tiny Yong, Syracuse (paroles : Bernard Dimey – musique : Henri Salvador), 1963.
Les détails biographiques sont repris de l’article de Jacques Leblanc, « Tiny Yong – Exotico yé-yé », Jukebox Magazine n° 216, pp. 57 à 60.
Chanteuse sous-estimée, carrière courte mais vraiment intéressante !
Bel article René, merci. 🙂