Quand je vois un chanteur les yeux rivés à son cahier de paroles, ostensiblement déployé sur un lutrin, au prétexte, recevable il est vrai, qu’il n’a guère l’occasion de monter sur scène et que sa mémoire est donc sujette aux sautes, je pense à Bernard Haillant (1944-2002). Lui, non plus, ne tournait guère. Une quinzaine de « dates » – comme on disait autour de 1980 – dans une année… Et son spectacle pour un homme seul n’était pas facile. C’était un assemblage précis de paroles chantées ou dites, de musiques, de gestes, d’instruments, d’accessoires. On débordait largement le cadre du tour de chant. L’homme, pourtant, jouait sans béquilles du genre évoqué plus haut. Il savait ses mots, ses notes et ses gestes au rasoir. Comment il faisait ? Une fois par semaine, qu’un contrat soit en vue ou pas, il se rendait dans un local qu’il louait tout exprès. Et là, il donnait une représentation pour les grains de poussière qui, les jours de beau temps, dansaient dans la lumière. Enfin, j’imagine. Peut-être qu’il n’y avait pas de fenêtre dans cet endroit.
René Troin
Nous avons reçu le CD Antoine Fetet chante Bernard Haillant. Nous en parlerons bientôt.