« Le symbole de l’artiste engagé aujourd’hui c’est Stromae. » Il n’a pas eu à en dire davantage, Pascal Nègre*, pour que les connaisseurs lui tombent sur le poil et l’invitent à sortir de son bureau doré de PDG d’Universal Music France, histoire de se faire une idée de la vigueur de la chanson de colère et d’espoir. Bien sûr, Frédéric Bobin et sa Vieille Ouvrière (parce qu’il n’y a pas que Singapour). Bien sûr, Govrache et Le Bleu de travail. Bien sûr Frasiak, apôtre de François (Béranger !). Bien sûr, Yvan Dautin et son Monde à part bien partagé. Bien sûr, Emmanuel Depoix (oups ! mauvais exemple…). Adoubés par les ondes, ceux-là enflammeraient-ils la jeunesse du jour ? Franchement, mon petit-fils écoute Martin Garrix, j’hésite à lui mettre du Rémo Gary sans crier gare. Et je ne compte guère, pour le coup, sur le soutien des sonos syndicales. Lors des dernières manifs où je me suis rendu, elles balançaient de la techno plus souvent que des chansons. Et quand elles y venaient, elles ne s’engageaient pas plus haut que Motivés !, se contentant le plus souvent de Tomber la chemise.
Le pavé, d’ailleurs, depuis deux ans, c’est surtout les suppôts de la réaction (je me souviens de Jacques Duclos) qui le battent. Alors si la radio publique – dont les thuriféraires de « l’autre chanson » ne manquent jamais de rappeler qu’elle doit des comptes à tous les contribuables – se piquait de chanson engagée, elle devrait, en bon équilibre, diffuser Jean-Pax Méfret (« Le chanteur de l’Occident »), voire quelques rockeurs identitaires ou chrétiens. Personnellement, je ne suis pas pressé de les entendre sur les ondes qu’il m’arrive de fréquenter.
Sans compter qu’une chanson engagée du bon côté peut tomber dans de mauvaises voix. Rappelez-vous Gilles Servat. Il a eu beau s’insurger, « ils » y ont touché à La Blanche Hermine. Le Chœur Montjoie-Saint-Denis l’a même enregistrée sur un CD intitulé Chants d’Europe (en même temps que des joyeusetés du genre Nous sommes de la Légion et Les Bérets verts), et elle sert désormais d’hymne aux adversaires du mariage pour tous. Vous pouvez en croire mes oreilles.
René Troin
* Interrogé par Kevin Erkeletyan pour Marianne.net.