Quand on fait un compte-rendu de spectacle, on y a assisté, en principe, depuis la salle, de « l’extérieur ». Celui-là, je l’ai vécu de l’intérieur et de l’extérieur. Comme chez Crapauds et Rossignols, je me suis promené des deux côtés de la barrière.
C’était le samedi 7 juin, à côté du terrain de foot de Serrière-de-Briord, dans l’Ain. Rémo Gary avait invité « des amis et la famille [sa fille, Jeanne]* », comme il dit, pour faire la première partie de son nouveau récital. C’était sous un chapiteau dressé par le festival Engrangeons la musique. Un festival éclectique dont l’une des trois soirées était une sorte de carte blanche à Rémo Gary.
Rémo est un auteur (un peu compositeur aussi) et chanteur de très grand talent, talent auquel il faut ajouter une qualité, non des moindres à mes yeux, celle d’être un chanteur « partageur », humble, sans frime.
Il défend avec vaillance un style de chanson qui n’a plus vraiment droit de cité sur les antennes, mais il le fait avec fougue et générosité, et surtout sans amertume, malgré les difficultés de ce métier. Ce qui est rare, et même très rare, dans le monde de la «chanson de qualité» où bien des artistes, et même leur public, sont souvent très amers.
Rémo chante avec une grande intensité des textes humanistes et « révoltés ». Il en a écrit la plupart et il en confie souvent la mise en musique à ses accompagnateurs (Joël Clément et/ou Clélia Bressat-Blum, piano), mais parfois aussi à des amis chanteurs (Frédéric Bobin). Il aime évoquer les grandes figures des luttes sociales, ceux qui ont voulu changer les choses, mais il s’autorise aussi parfois des promenades amoureuses bucoliques, ou simplement nostalgiques. Il chante « à l’ancienne », accompagné d’un piano, seul debout derrière le micro, la voix puissante et le geste sûr. Parfois il prend aussi la guitare, pour un moment plus intime. A intervalles réguliers, il chante des chansons, connues ou non, d’autres chanteurs (Léo Ferré, Richard Desjardins, par exemple). Je vous l’ai déjà dit, ce gars-là partage.
Je l’ai regardé d’abord depuis les coulisses, puis je me suis faufilé dans le public. Je dois dire que mon impression dominante est que ce type ne chante pas pour faire le mariole sur une scène, il est là pour partager des convictions et des préoccupations sociales, artistiques, humaines. On peut penser ce qu’on veut du récital de Rémo Gary , mais jamais, à aucun instant, on ne le voit faire le malin, tirer sur des ficelles pour « manipuler » le public, et ça… j’ai beau chercher dans ma caboche, actuellement des gars comme ça, il n’y en pas des bottes…
Nous, les amis, nous avons donc fait la première partie (entre les deux parties, les gens cassaient la croûte sous les étoiles du terrain de foot). Nous étions quatre, Jeanne Garraud, Jean-Baptiste Veujoz, Frédéric Bobin, et ma pomme. Nous nous sommes passé le relais en souplesse, en chanson et parfois Rémo venait chanter avec l’un ou l’autre**. C’était chaleureux, convivial. Ce que j’ai vu sur scène était très beau, mais ce que j’ai vu depuis la scène l’était aussi : un public très mélangé, attentif, et qui en redemande.
* Il y avait donc Jeanne Garraud, Jean-Baptiste Veujoz, Frédéric Bobin, Pierre Delorme, Mikael Cointepas (contrebasse et batterie), Clélia Bressat-Blum accompagnait Rémo Gary aux piano et synthé.
** Comme nous étions les deux « conscrits » les plus avancés en âge sur ce plateau, nous avons pris, Rémo et moi, un malin plaisir à chanter ensemble le baby-boom dont nous sommes issus!
Pierre Delorme
Vu de la salle, c’était beau, chaleureux, émouvant.
On ne se lasse pas d’écouter Pierre, Frédéric et Rémo. J’ai découvert Jeanne, sa jolie voix fraîche et son humour, et j’ai aimé.
Une belle soirée sur un terrain de foot (!) sous les étoiles avec des amis sur scène et dans le public, que demander de plus ?