Sur mon Teppaz, j’ai écouté Scandale dans la famille par les Surfs. Et réalisé avec effroi quelle était la véritable mission de Nicole, Monique, Rocky, Pat, Dave et Coco. Cette fratrie malgache respirant la joie de vivre (un cliché vaut souvent mieux qu’un long discours) surgit en 1963. Durant ses premiers 45-tours, elle avance une série de tubes inoffensifs comme autant de pions machiavéliques : Reviens vite et oublie, A présent tu peux t’en aller, Shoop Shoop… va l’embrasser, Si j’avais un
marteau (1)… Et une fois toutes les méfiances endormies, Scandale dans la famille. Les radios, probablement hypnotisées par le rythme caribéen, ont négligé les paroles. Et pourtant… Voilà une histoire qui commence avec un « grand fils aîné […] / Qui, à quarante ans, n’était toujours pas marié ». Déjà,
il y aurait de quoi se poser des questions. Mais bon, le gars rencontre une fille.
« Je voudrais l’épouser », qu’il dit à son père. Lequel lui répond qu’« hélas tu n’ peux pas / Car cette fille est ta sœur / Et ta mère ne l’ sait pas ». Pareil pour « la maîtresse d’école » et pour « Plus de cinquante filles / Du village d’à côté ». Sur quoi, le fils va voir sa mère pour apprendre de la bouche d’icelle que « Ne t’en fais pas / Ton père n’est pas ton père / Et ton père ne l’ sait pas». De quoi s’effondrer, non ? Au contraire ! ça le rend tout jouasse : « Oh Mama, quel bonheur / Quel grand bonheur pour moi. » Etonnez-vous après ça que nous soyons nombreux à avoir une vision erronée de la famille et à saluer avec joie, voire avec indifférence (pour les plus dévoyés d’entre nous), la loi autorisant le mariage pour tous. Mais les Surfs ne sont pas les seuls responsables. Car après la bande des six, il faut dénoncer le Club des cinq. Doit-on rappeler cette tirade du personnage moteur de cette saga : « Non ! […] Je ne suis pas Claudine. […] Je suis Claude […] et je ne vous répondrai que si vous m’appelez ainsi.
Je déteste être une fille. Je ne veux pas en être une. Je n’aime pas les jeux de filles. Je n’aime que les jeux de garçons […] (2). » Sous la lénifiante couverture d’un livre de la bibliothèque… rose. Mai 68 a bon dos. Les Surfs et Enid Blyton, voilà les Dalton qui ont flingué nos repères – et mères.
René Troin
(1) Quoique, à bien y réfléchir, ce dernier titre était adapté de l’œuvre du communiste Pete Seeger.
(2) Enyd Blyton, Le Club des cinq et le trésor de l’île, 1962 (édition originale anglaise, Five on a Treasure Island : 1942).
Les Surfs, Scandale dans la famille (paroles et musique originales : Slim Henry Brown, Huon Donaldson – paroles françaises : Maurice Tézé), 1965.
Concernant le Club des cinq, si un garçon nommé Claude avait prétendu vouloir s’appeler Claudine et déclaré n’aimer que les jeux de filles, cela serait passé bien moins inaperçu. Les garçons manqués ont toujours eu bonne presse mais les « efféminés » ont récolté moqueries et rejet.
Ceci dit, j’ai toujours aimé cette chanson des Surfs, je comprends mieux pourquoi maintenant.
Soyons même certains qu’un garçon préférant les jeux de filles, ça ne serait pas passé du tout. Cela dit, pour Claude, ça n’est pas passé tout seul non plus. J’ai appris, en préparant ce « Teppaz et SLC », qu’après deux ou trois épisodes l’éditeur anglais avait demandé à Enyd Blyton d’atténuer le côté « garçon manqué » du personnage