Claire Elzière est-elle née trop tard ? Il fut une époque où le monde de la chanson glorifiait les interprètes, féminines en particulier. Puis vint le temps impitoyable des auteurs compositeurs interprètes, qui mit pratiquement fin à cet âge d’or dont, désormais, Francesca Solleville demeure l’ultime rescapée.
Pourtant, aujourd’hui encore, malgré ce qui semble hélas être devenu un presque handicap, quelques plus jeunes femmes n’hésitent pas à perpétuer la tradition en se mettant efficacement au service de certains auteurs. Parmi elles, Annick Cisaruk, Mona Heftre, Hélène Maurice ou la Québécoise Paule-Andrée Cassidy, qui ont servi brillamment Barbara, Léo Ferré, Gaston Couté, Félix Leclerc, Gilles Vigneault, d’autres encore.
Vendredi 7 février, le Forum Léo-Ferré, à Ivry-sur-Seine, proposait d’apprécier Claire Elzière, l’une des plus talentueuses interprètes du moment, naguère saluée chaleureusement par Georges Moustaki, Sanseverino et Laurent Terzieff. Connue pour avoir ressuscité les chansons drolatiques ou sensibles de Pierre Louki, elle
a depuis élargi son répertoire, sans pour autant délaisser celui qui, en l’écoutant chanter, prétendait rajeunir.
Après une entrée en matière enjouée avec Les Insomnies, de Barbara, les chansons de Louki, mélange d’humour et de tendresse poétique, composent d’ailleurs presque toute la première partie de son récital. Mais les habitués retiennent surtout ce premier moment de grâce avec la chanson de Chico Buarque João
e Maria, dont Claire Elzière reprend la version française traduite par la chanteuse Bia sous le titre Le Chevalier. Alternant humour et gravité, Claire Elzière passe avec aisance de Juliette (Tu ronfles, délicieux) à Mouloudji (autre très beau moment avec Toi, tu souris, sur une musique d’André Grassi, celui-là même qui plaça des notes inoubliables sur Le Chant des hommes de Nazim Hikmet), dans une diction parfaite et une voix dont René Troin a pu dire qu’elle était « tout en nuances, dans la lignée de Michèle Arnaud ou de Christine Sèvres ».
Plusieurs chansons inédites d’Allain Leprest figurent au programme, dont cette belle, étrange et sombre Libellule noire, annonçant un CD à venir dont l’enregistrement fut terminé la veille même de cette soirée. Après quelques autres beaux moments d’émotion, dus notamment à l’interprétation de Sarment, d’Allain Leprest, et de La Lune, de Léo Ferré, rarement chantée et qu’avait magnifiée l’interprète québécoise Renée Claude, Claire Elzière proposait un tendre final aux saveurs helvétiques, avec deux belles chansons, de Sarcloret-Simon Gerber d’abord – Joli foutoir –, puis la merveilleuse Balade « sur le bord de l’espace » de Bel Hubert.
Servie par l’accompagnement subtil et élégant de Dominique Cravic (guitare et ukulélé) et Grégory Veux (piano), Claire Elzière ajoute une composition personnelle à son répertoire avec L’Oiseau qui trottait dans ta tête. Alors, vous qui délaissez quelque peu les seules interprètes, commencez donc par vous laisser séduire par cette chanson-là, et les autres feront le reste…
Floréal Melgar
Ah cher Floréal, ton commentaire donne vraiment l’envie de découvrir ce spectacle. Pour l’instant, je ne connais que Claire Elzière chantant Pierre Louki, et j’aimerais tant la découvrir sur scène.
En tout cas merci, et je suis bien d’accord avec toi sur les artistes citées dans leurs interprétations.
Superbe article ! Merci Floréal de tes jolis mots. Puissent-ils faire « boule de neige » pour que d’autres gens, très nombreux, soient séduits à leur tour.
Merci Floréal. Merci de me faire tant souffrir d’avoir manqué ce concert.
Une artiste qu’il me tarde de découvrir sur scène grâce à ton entrevue radio qui me l’a fait connaître.
Des découvertes comme celle-ci, j’en redemande.
Bravo pour ce blog pertinent, intéressant, indispensable… à cette Chanson avec un grand C.