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Peloquin Sauvageau reedAutour de 1970, à l’heure de Campus, Europe 1 a tenu jusqu’à sept millions d’auditeurs par les oreilles. Au micro, Michel Lancelot mixait comme personne l’actualité et les musiques du monde. On en connut de si accros à ce mélange qu’ils enregistraient l’émission en posant un magnétophone devant leur transistor (une technique rudimentaire qui interdisait tout autre bruit dans la maison).
Si certains les ont gardées, leurs bandes étiquetées « 1972 » se souviendront des tambours de synthèse qui accompagnaient la lente marche intérieure de Monsieur l’Indien vers le désespoir. Ça commençait comme ça : « Là j’vous présente Monsieur l’Indien… en l’honneur de tous les déracinés du monde par la civilisation. » Claude Péloquin disait, et derrière (ou à côté plutôt, tant les deux gars sont indissociables), Jean Sauvageau jouait des sons inventés, des bruits vrais et des voix (plus ou moins) déformées.
Péloquin, on le connaissait de nom, au moins. Trois années plus tôt, il avait signé les paroles de Lindberg de Robert Charlebois et Louise Forestier, « imprim[ant] à la chanson québécoise un virage irréversible », comme on lit sur le site Québec info Musique (quand j’entends Céline Dion, je ne suis pas très sûr pour « irréversible »). De Sauvageau, en revanche, on ne savait rien. On pressentait un bidouilleur de la même fratrie artistique que Patrice Moullet, l’inventeur du percuphone et du cosmophone, qui, dans ces mêmes années, ne cessait de bâtir, avec Catherine Ribeiro, son alter égale, de nouveaux retranchements pour pousser la chanson dedans.
Sauvageau, qui a étudié avec Stockhausen, est aussi un luthier électronique. Son clavier, connu sous le nom de « Machine à Sauvageau », a fasciné rien moins que Robert Moog, le pionnier des synthétiseurs. Les éléments de cet « instrument » tenaient les uns aux autres grâce à des kilomètres de ruban adhésif, le Black Spaghetti, qui donne son titre à l’instrumental qui ouvre la face (ou, pour être exact, la fesse) B de Laissez-nous vous embrasser où vous avez mal. Sur cet unique album en commun, le poète et le musicien s’engagent dans une voie ouverte en Amérique du Nord, de l’autre côté du lac Ontario, par Jack Kerouac et des musiciens de jazz, Allen Ginsberg et son harmonium, ou Ed Sanders et les Fugs. (Ajoutons entre parenthèses que les deux Québécois précèdent d’une vingtaine d’années une autre rencontre entre la poésie et la musique électronique : celle de William Burroughs et de Laurie Anderson.)
Kerouac, Ginsberg… La poésie de Péloquin doit sûrement quelque chose aux auteurs de la Beat Generation. Pétrie comme elle est de dénonciation du sort réservé aux minorités ethniques (Monsieur l’Indien). De bons mots tamponneux (comme il y a des voitures) : « Les frontières, c’est des hémorroïdes autour d’une inflammation nationaliste. » De joyeuses provocations : Mama Vagina et son cortège de gros mots (« Pipicacapoil ») jetés comme on mitraille sur l’air d’un violoneux piqué chez Gilles Vigneault (ou sinon chez son frère). Ou d’éructations intimes (Sterilization).
Resurrection
Longtemps indisponible, voire mythique (le prix du vinyle d’époque tourne autour des 100 euros), Laissez-nous vous embrasser où vous avez mal a été réédité en CD en 2003 par une petite maison québécoise : Mucho Gusto. Obéissant à leur devise – « C’est toujours meilleur quand c’était bon » –, ces archéologues du décalé (le vrai, celui qui ne se vend pas) plongent dans les fonds de catalogues passés pour en remonter des présents tels que Attention des Maledictus Sound, « une association d’artistes classiques, modernes et de studio, avec pour seul but de créer chez vous une atmosphère sonore où le rock psychédélique côtoie le bizarre et de terrifiants cris d’horreur ». Et son antidote : Résurrection!, une anthologie du « rock chrétien et messes rythmées du Québec (1964-1978) ». Et il y a des extraits de tout ça sur leur site ? Oui. Et une boutique en ligne aussi.

René Troin

 

Péloquin Sauvageau, Monsieur l’Indien, 1972.

Et pour donner du goût à vos oreilles…

 

1 commentaire »

  1. Michèle Dubromelle dit :

    René, je n’avais pas entendu ce morceau depuis « L’air de rien » avec les Rock et Belles Oreilles. Je crois bien que j’ai encore la cassette de l’émission. Merci !

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