Sur mon Teppaz, j’ai écouté Dis-nous Dylan par les 5 Gentlemen. Mais la première fois, c’est à la radio que j’ai entendu ce morceau. Dans l’émission Paris Cocktail. Ce détail, je l’ai retrouvé sur internet – dans mon souvenir, ça s’appelait En direct du Marcadet-Palace. Cinq mots qui m’enflammaient l’imagination. Par-delà le tableau éclairé du poste de radio, je voyais une façade piquée de lumières, et des passants qui s’arrêtaient devant, intrigués par ces mots chantés si forts que – bien qu’étouffés – ils sinuaient jusqu’à eux : « Dis-nous
dis-nous Dylan. » Comme il y avait « Dylan » dans le titre, et « Donovan » en renfort dans les paroles, moi aussi j’ai dressé l’oreille : « Dis-nous dis nous Dylan / Dis-nous dis-nous Donovan / Dis-nous si le soldat de l’ONU / Ne se bat pas pour une cause déjà perdue. » Pas de problème, le chanteur du groupe avait la foi qu’il fallait
en mes héros. Même si, un couplet plus loin, il se permettait un léger doute :
« Dis-nous, dis-nous Dylan / Dis-nous, dis-nous Donovan / Croyez-vous que grâce à vos chansons / Le monde un jour va résoudre toutes nos questions ? », il y avait toujours « Hey Dylan / Hey Donovan » dans les paroles. Et le riff imparable du guitariste Claude Olmos. Tiens, c’est le premier nom qui me vienne, les quatre autres 5 Gentlemen s’appelaient Jean Fredenucci (chant et basse), François Paoli
(2e guitare et chœur), Guy Matteoni (claviers) et Michel Donat (batterie). Passé ce coup de maître, les Marseillais, après quelques essais moins fructueux (Oum tse oum papa, Twiggy), disparaîtront dans un vortex fatal à la deuxième vague des groupes français. Qui, en dehors de JukeboxMagazine et de ses lecteurs, se souvient des Pollux, des Gypsys, des Boots, des Anonymes (vous me direz que ceux-là l’avaient peut-être un peu cherché), des Jets (1)… ? N’empêche, ils auront préparé le terrain pour la vague d’après : Triangle, Variations, Dynastie Crisis, ou encore Alice, que Claude Olmos rejoindra en 1970. Mais cela est une autre page de l’histoire du rock français.
René Troin
(1) JukeboxMagazine a réuni huit de ces groupes dans un CD au titre emblématique : Génération perdue.
5 Gentlemen, Dis-nous Dylan (paroles et musique : Jean Fredenucci), 1966.
Pas mal… ces petits jeunes et leurs paroles : « Pensez-vous tous les mots que vous chantez… »