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Le ventLa critique de chansons consiste le plus souvent à paraphraser, avec plus ou moins d’habileté, les vers des auteurs, afin d’essayer de rendre compte du propos de leurs chansons et des « idées » qu’on y trouve, convictions sincères ou bribes de l’air du temps saisies au vol. C’est normal, nous aimons bien considérer les chanteurs, que nous apprécions, comme des sortes de penseurs. Nous avons l’impression parfois qu’ils donnent une forme convenable à nos propres idées, ou même qu’ils nous en font découvrir de nouvelles.
Cependant, il arrive que l’écart soit considérable entre ce que l’on croit entendre dans une chanson et la réalité de l’écriture. La relation affective (à sens unique, évidemment) qui se noue entre un artiste et ses admirateurs est fondée le plus souvent sur un malentendu. Ils lui prêtent parfois des intentions qui le dépassent largement. Ce qui peut entraîner des déceptions, voire de cruelles désillusions, si la réalité pointe son nez au détour d’une déclaration ou d’une prise de position publique.
Pour mieux comprendre, il suffit de se souvenir de cette rencontre entre le grand peintre Edgar Degas et le poète Stéphane Mallarmé, son ami.
Degas, qui rêvait d’écrire de la poésie, s’en ouvre à lui :
« J’ai des idées, dit-il, mais je n’arrive pas à écrire !
– C’est normal, lui répond Mallarmé, on ne fait pas des poèmes avec des idées, mais avec des mots ! »
On transposera sans peine au domaine de la chanson.
Combien de chanteurs se sont retrouvés les hérauts d’idées qu’ils ne partageaient pas vraiment, ou du moins auxquelles ils n’avaient pas réfléchi plus que ça ? Des idées apparues pour le simple plaisir de la sonorité d’un vers, pour la richesse d’une rime, ou encore dans l’élan d’une exaltation lyrique toute littéraire.
Nous prêtons parfois bien trop à « nos » chanteurs, car, à y regarder de plus près, ne nous rendent-ils pas le plus souvent que du vent ?
Du vent, où l’on pourra toujours s’amuser à chercher la réponse, comme nous le conseillait une célébrissime chanson des années soixante.

Pierre Delorme

4 commentaires »

  1. Anne Bernard- Audigier dit :

    Une critique sur la critique qui, enfin, ne soit pas du verbiage. Quel plaisir ! Lire, écouter, ce que je sais parfois, ce que je pense souvent mais, de belle manière, voilà à quoi me servent (outre le plaisir qu’ils me procurent) les poètes, les chansonniers. Ils transposent nos émotions, nos révoltes, bellement… Le plus souvent (parmi mes favoris). Quant à la soupe insipide dont on nous rebat les oreilles à longueur d’ondes, il n’est que de l’ignorer… Merci pour cet article !

  2. Aldo Campo dit :

    Lorsqu’on reçoit des commentaires élogieux ou réprobateurs sur des textes de chansons ou de poèmes, on découvre en effet que chacun entend ce qui l’arrange, ce qui répond à ses attentes, à ses sensibilités du moment. C’est pourquoi il arrive d’être interprété et conduit sur des terrains pour le moins étonnants. Heureusement, découvrir ses mots laids, c’est très bon pour les chevilles !
    Finalement, n’est-ce pas le but du jeu ? Et puis, lorsqu’on y songe, ce phénomène psychique des fumerolles incontrôlables de la pensée, n’est-ce pas aussi l’exemple flagrant que le seul intérêt d’une proposition artistique commentée par les autres réside avant tout dans la perception de ceux qui ont le goût ou le dégoût d’y déceler les traces de leur propre talent ?

  3. Didier NICOLAS dit :

    Je suis en grande partie d’accord avec cet article, mais il me paraît très réducteur de considérer que des auteurs ne mettraient des mots les uns au bout des autres que pour « faire joli » et séduire l’oreille du client !… Les chansons expriment le plus souvent des sentiments, des idées, des réflexions ou se contentent parfois de nous raconter une histoire, et ainsi stimulent notre imaginaire… Par contre, je voudrais signaler une ambiguïté en ce qui concerne les chansons dites engagées, comme celles qu’on a vu fleurir dans les années 70 et qui bien souvent répondaient à une mode, plus qu’à un engagement de leurs auteurs-interprètes… Je pense à Le Forestier (exemple parmi tant d’autres) qui aujourd’hui nous déclare la bouche en cul de poule : « Mes chansons n’étaient pas engagées c’est le public qui a mal compris et y a mis un contenu qui n’y était pas ! » N’empêche que ce personnage ainsi que ses semblables, qui nous prennent aujourd’hui pour des imbéciles, faisaient les beaux jours de tous les meetings gauchistes et utilisaient leur image fabriquée de contestataires pour se faire une renommée !…
    Il en est de même pour Bob Dylan, nouveau médaillé de la Légion d’honneur, me semble-t-il !… Le vent a tourné !…

  4. Manon Gagnon dit :

    Me laisser emporter par le vent sans réfléchir de sa provenance, sa température et sa durée ?
    Déguster un bon plat sans toujours en analyser la recette ?
    Regarder sans toujours vouloir dessiner et photographier ?
    Écouter des mots mélodiques sans les étudier ?
    Oui, je parviens à déguster simplement en oubliant mon esprit analytique, pas toujours facile mais j’y parviens !
    L’art de déguster la simplicité dans toutes les sphères de la vie est parfois complexe.
    Mais qu’est-ce que la simplicité ?
    Félicitations pour ce blog passionnant… à mes heures analytiques 🙂

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