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PerspectiveIl peut arriver qu’un amateur de chansons ait la fâcheuse impression que rien de neuf n’a vraiment émergé depuis les années cinquante et soixante. C’est vrai surtout pour ceux qui ont vécu les moments forts de la chanson francophone avec les Brel, Brassens et Ferré (une sorte d’apogée du genre « à texte ») et le bouleversement de la musique populaire par l’irruption du rock, et de la pop ensuite, avec les Elvis, Beatles et Dylan, par exemple. Ce qui se passe depuis cette époque (sur laquelle on mythifie beaucoup) peut sembler manquer de relief.
Cependant, la musique populaire et la chanson ne se sont pas arrêtées ces années-là, elles ont poursuivi leur évolution. Et la question n’est peut-être pas de savoir si quelque chose de neuf a émergé ou pas, mais plutôt de savoir si on est en mesure de le percevoir.
Les exemples de personnages illustres qui ont ignoré l’aspect novateur de certaines œuvres sont nombreux. Critiques, intellectuels, ou artistes de renom, sont passés en nombre à côté d’œuvres novatrices, et cela le plus sincèrement du monde.
Les critiques d’art de la fin du XIXe siècle, dans leur grande majorité, n’ont pas perçu comme telle la « révolution » de l’Impressionnisme. André Gide lui-même a refusé le premier manuscrit (Du côté de chez Swann) de Marcel Proust chez Gallimard. On pourrait également citer les critiques littéraires qui n’ont pas du tout mesuré l’ampleur du chamboulement stylistique célinien. L’énumération serait longue. Brassens lui-même fut considéré, à ses débuts, comme « le pornographe du phonographe » par une partie de la presse.
Lorsque quelque chose de neuf apparaît, nous n’en faisons pas forcément la bonne lecture pour en évaluer la nouveauté. Nous sommes prisonniers de critères qui ne seront plus ceux des nouvelles générations. Elles apprécieront en masse ce qui ne nous apparaît pas comme spécialement « novateur » et ne nous semble pas promis à un grand avenir.
Il est très difficile de voir clair dans ce genre de choses. Il faudrait pouvoir prendre un peu de recul avec ses propres goûts, ne pas s’en remettre à sa seule sensibilité, savoir les « objectiver », ce qui n’est pas facile et peut sembler désagréable.
Les goûts (et les couleurs, dit l’expression) relèvent avant tout de la subjectivité (mais est-ce bien sûr ?). Cependant, il peut être salutaire d’essayer de les mettre à distance, la bonne distance, pour avoir sur eux un meilleur point de vue et tâcher de mieux comprendre leur valeur relative, et ainsi, peut-être, mieux comprendre les goûts différents des nôtres.
Avec une vue en perspective, peut-être apercevrons-nous à l’horizon quelque chose de neuf.

LTG

1 commentaire »

  1. Stéphane dit :

    Plus globalement, c’est le problème du passage de l’actualité à l’Histoire qui est ici posé.
    Car quel que soit le recul que nous voulons/pouvons prendre, nous restons toujours, à quelque degré que ce soit, le nez sur nos petites vies à nous, bien ancrées dans le présent.
    C’est ce contre quoi lutte journellement l’historien (le vrai) pour tenter d’arriver à restituer la perspective – s’il y en a une – mais, de toute façon, il ne réussira qu’à restituer sa propre vision de l’Histoire, au mieux la vision qu’en a un groupe d’hommes et de femmes défini.
    Et ce sera clairement une vision politique – que ce soit au sens le plus noble ou au sens le plus partisan – qui se heurtera à ses propres limites.
    Tout simplement parce que l’objectivité – tout comme sa grande sœur l’universalité -, concrètement, reste à jamais inaccessible à l’homme.
    Evidemment, la chanson échappe encore moins à cette règle, elle qui est faite de chapelles, de croyances, se mêle de politique ou s’en démêle.
    Mais quoi qu’il advienne, elle reste politique par essence, partout elle reste au centre de la Cité. Qu’on l’en écarte, qu’on la bride, qu’on l’expurge ou qu’on la brûle régulièrement, c’est bien qu’elle est présente, qu’elle est une force – même statique, même si on refuse de la voir – qu’il faut contourner ; et régulièrement, elle finit par ressurgir, inventer d’autres formes, casser les codes dans lesquels on tente – sciemment ou inconsciemment, quelquefois en croyant bien faire – de l’enfermer.
    Alors oui, l’important, plus que la perspective, c’est notre perception ; mais au-delà de notre perception, ce qui compte surtout, c’est notre curiosité, et sa capacité à embrasser le monde… de la chanson (ne soyons pas trop ambitieux) le plus largement possible pour saisir ces nouvelles formes.
    Mais quand bien même nos bras seraient suffisamment larges pour y parvenir, nous n’y pourrons jamais rien : nous ne mesurerons tout cela qu’à l’aune… de nos émotions.
    Ouf.
    (Ou quel bonheur de retourner dans son chez-soi confortable après avoir frôlé le vertige universel, ou encore j’aime profondément ces allers-retours constants de moi-je à moi-nous et de moi-nous à moi-je…)

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