Jacques Yvart a posé sa guitare pour s’asseoir au clavier de son ordinateur. Et obéir à une vieille idée qu’il avait, dès 1992, confiée à son ami Joseph Moalic : « Un jour, j’écrirai un polar. J’ai l’histoire en tête. J’ai même le titre et la première phrase. »
Le titre, c’est Fromage à Bergues. Ça sent le roman policier régional. Partout dans l’Hexagone, le genre est bouillonnant*. Même si le sang, en règle générale, n’est pas le moteur des auteurs. Ici, il n’y a qu’un cadavre (mais comme il est baladeur, il fait du profit) et un blessé léger. Ça repose des séances de torture et autres inhumations à la chaux vive qui se suivent et se ressemblent dans les « romans noirs ». En revanche, côté intrigue, Jacques Yvart ne mégote pas. Il nous embarque avec ses personnages à la recherche d’une « mallette contenant des documents cruciaux datant de la guerre de 39-45 et qui mettaient en cause diverses personnalités britanniques ». Et même si, depuis le temps, de l’eau a coulé dans le canal souterrain où ils ont été murés,
il ne faut pas que « ces documents voient le jour ». Londres et Berlin ont envoyé chacune leurs espions.
Arsène et sa chienne, la fidèle Ficelle, déroulent la pelote de cette histoire qui va crescendo comme le Boléro que la paire de limiers savoure à quatre oreilles tous les soirs. Et quand ils perdent le fil, Arsène tire un peu les vers du nez de son copain Jules, l’adjudant-chef de gendarmerie. Au cœur de l’enquête officielle, celui-ci a quelques cartes à main, mais toujours un atout de retard pour rattraper Ficelle et son maître. Il faut dire que ces deux-là ont du flair. Ficelle, c’est sa nature. Arsène, lui, était douanier. Ce qui nous vaut de lire : « Guidant ses pas au faisceau lumineux,
il traversa la boutique à pas de gabelou. » Il faut bien que l’auteur s’amuse. Et il ne s’en prive pas. On devine que le docteur Kyroul, Mme Deblock, la patronne du Tonnelier, Louis Lambert, rédacteur au Journal des Flandres, Marceline Pigeon, voisine à l’œil à tout… il n’a pas dû chercher loin de sa porte pour les croquer tels qu’ils les croisent ou les a connus. On peut même se demander si Jacques Yvart n’aurait pas mis un peu de lui dans son Arsène, amateur de pur malt…
Le lecteur, gagné par l’ambiance, peut s’amuser à son tour et voir s’il n’y aurait pas quand même, dans un coin, une allusion à la chanson (on a beau la chasser, elle revient en chaussons). Eh bien, il y en a une. Un indice : ne partez pas à sa recherche avant vos prières du soir.
René Troin
* Tapez « Romans policiers régionaux » ou « Polars régionaux » dans n’importe quel moteur de recherche…
Jacques Yvart, Fromage à Bergues, Soleil masqué, 2013. Existe en versions papier et numérique. Commandes en ligne sur le site de Jacques Yvart, à la rubrique
« Boutique ».
Ah ! la bonne nouvelle… et en plus, si vous l’avez raté, n’oubliez pas Niama Niama, très bel album. Je viens de voir que Yvart on Campus est en CD. Un chanteur français qui a chanté en français dans 49 Etats des USA, ça devrait donner à réfléchir à quelques jeunes néo-singers…