La loi de Godwin dit que « plus une discussion
en ligne (1) dure longtemps, plus la probabilité
d’y trouver une comparaison impliquant les nazis
ou Adolf Hitler s’approche de 1 ». On atteint alors
le point Godwin ! Les discussions entre les passionnés de chanson ont leur particularité, le « point Brassens ». Plus la discussion dure, plus
la probabilité devient grande d’y entendre dire qu’« aujourd’hui Georges Brassens n’arriverait pas à se faire connaître ».
C’est peut-être vrai. Pour cette raison, Brassens, qui n’était pas con, a choisi de se faire connaître dans les années cinquante. En revanche, Alain Bashung, Alain Souchon, ou encore Camille, par exemple, ont choisi des époques moins lointaines, car leurs chances de se faire connaître dans les années cinquante auraient été minces ; pas cons non plus, ces trois-là !
Certains ont fait le mauvais choix et se sont trompés d’époque pour apparaître et tâcher de se faire reconnaître. Au grand dam de certains passionnés de chanson.
La question de savoir si Brassens pourrait se faire connaître aujourd’hui a bien des chances de laisser tourner en rond ceux qui essaient d’y répondre. Les conditions d’éclosion de son talent, et de sa reconnaissance par le public, sont bien différentes de celles d’aujourd’hui, tant le monde a changé depuis les années cinquante. On ne peut comparer que ce qui est comparable, c’est bien connu. D’autres artistes sont apparus depuis et d’autres apparaissent encore. Sont-ils ou seront-ils l’équivalent de ce que fut Brassens ? Bien malin celui qui connaît la réponse.
Une chose est sûre : l’histoire de la chanson a continué, et Brassens en fait désormais partie.
Notons, à ce propos, qu’on n’entend jamais personne dire que Mozart ou Beethoven ne pourraient pas se faire connaître s’ils apparaissaient aujourd’hui. De même pour Manet ou Renoir dans le domaine de la peinture. Ils sont devenus des « classiques ». Mais Brassens n’est-il pas un classique de la chanson ? Bien entendu, en rangeant Brassens dans la catégorie des Mozart, Beethoven, Manet ou Renoir, on risque d’atteindre assez vite un autre point critique de la discussion, le « point Gainsbourg » : la chanson est-elle un art mineur ? Mais ça, c’est une autre question !
LTG
(1) Au départ relative aux discussions sur des forums virtuels, la loi de Godwin peut s’appliquer à tout type de conversation ou débat.
Magistrale démonstration en forme de questionnement !… Bien que le parallèle entre le « point Godwin » (référence à Hitler et aux nazisme) et l’invention du « point Brassens » me semble un peu hasardeux…
Mais juste une remarque. « Les temps changent » effectivement, et on ne peut pas occulter un point essentiel : c’est que la nature de la chansonnette et de la musique, et leur transmission, ont radicalement changé à partir notamment des années 60 pour devenir une industrie aux mains des financiers et des « majors » !… Le bouche à oreille avec comme support les petits formats est depuis fort longtemps oublié, et les cabarets où l’on pouvait écouter les chansonniers sont devenus des lieux marginaux et rares, souvent supplantés par des karaokés !… Les chances sont très minces et le chemin très chaotique pour un artiste aujourd’hui « d’apparaître » sans se plier aux impératifs de la rentabilité !… et j’en connais bon nombre qui s’y brisent les dents malgré leur talent pourtant reconnu par quelques esthètes !…
Si Gainsbourg disait : « La chanson est un art mineur », il disait aussi, en substance, qu’il préférait faire dix tubes pour dix artistes différents, car ça lui rapportait au moins dix fois plus que de faire, lui, un seul album avec tout ça !…
Ça y est, j’ai atteint le « point Gainsbourg » !…
Pour Brassens comme pour Moustaki, il y a eu aussi le soutien essentiel de Patachou et de Piaf, qui les ont imposés au public. Brassens avait sept ou huit ans de travail solitaire, et deux ou trois albums prêts à graver quand il est arrivé en scène. Et puis il avait tellement peu envie de « faire l’artiste » qu’il n’a fait aucune concession, en imposant guitare-voix (plus contrebasse et seconde guitare), ce qu’on avait refusé à Félix Leclerc. Il est arrivé en bloc homogène. Serait-il possible qu’un débutant puisse en 2013 avoir ces exigences dans une major dont l’essentiel des cadres font plus de marketing que d’artistique ? J’aimerais le croire… Dans son parcours, Brassens a aussi bénéficié de l’arrivée d’Europe n°1, beaucoup plus libre que les radios nationales d’Etat, et qui pouvait diffuser des chansons interdites, grâce à leur position (« A vous l’émetteur »), ça me semblait exotique à l’époque. Et Brassens a été fidèle à Europe n°1, le nombre d’émissions auxquelles il a participé est impressionnant. Est-ce que le web pourrait être l’équivalent ? Peut-être…
Oui oui oui, c’est bien vrai tout ça… mais bref, moi Brassens, c’est mon tonton Georges, c’est même devenu celui de mes enfants et il en aura encore plein des neveux et nièces, j’y veillerai tant que je resterai en vie !
Le succès se compte en chiffres, en nombre de trucs et bidules vendus (CD, DVD, diffusions télé, droits ceci et cela…), plus à la postérité.
Ecouter Le Gorille le matin en se levant, c’est mieux que la vitamine C, ça devrait être remboursé par la Sécu !
Très joli voyage en absurdie que ce texte qui renvoie dos à dos les La Palice de la chanson, les gloseurs-qui-aiment-gloser-sur-des-questions-qui-n’en-sont-pas, et les enfonceurs de portes ouvertes.
J’en goûte avec plaisir toute l’ironie burlesque, soulignée par le tableau de Magritte, mais je m’étonne des commentaires qui relancent toutes ces questions ridicules avec le plus grand sérieux… 😎
Très bien vu ! J’adore votre billet…