Sur mon Teppaz, j’ai écouté Dans la nuit. Les Bab’s, c’est un de mes premiers souvenirs de concert. De gala, plutôt, comme on disait dans les années soixante, pour évoquer l’unique et prestigieux spectacle annuel qui ouvrait la fête du village. C’était en 1964. Une paire d’années plus tôt, Hugues Aufray avait hissé les voiles du folk, et les trois Bab’s pagayaient dans le sillage du Santiano. Leur premier succès, Dans la nuit, était du genre exception qui confirme la règle : un récitant à la voix grave déroulait le fil de ses nuits d’amoureux tourmenté sur fond d’orgue jazz et de chœurs lointains. Sur scène, ils sont restés le temps de trois ou quatre chansons. C’était leur lot de « vedettes anglaises » de John William, lequel venait de négocier son virage negro spirituals. Ils n’ont pas chanté Dans la nuit. Sur le coup, j’ai été un peu déçu. Et puis, je me suis dit que ça n’était pas facile d’imiter l’orgue Hammond avec une guitare acoustique. C’est le plus grand des trois qui tenait l’instrument. Il avait la voix grave, celle de Dans la nuit, et un costume gris au pantalon trop court pour ses jambes. Et, à moi, petit spectateur pétri de compassion, ça m’a fait de la peine. Comme ils saluaient avant de regagner la coulisse, le présentateur a dit les noms des membres du trio. J’ai oublié les deux premiers. Mais pas celui de Jacques Yvart. Et quelques années plus tard, quand je l’ai entendu, seul maître à bord de sa carrière, chanter Le fils du capitaine Achab, c’est l’image du gars trop grand pour son costume qui m’est revenue. A quoi ça tient qu’on n’oublie pas…
René Troin
Les Bab’s, Dans la nuit (paroles : Gilles Thibaut – musique : Jacques Denjean).
Un p’tit côté aussi… Gainsbourg, non ?