Chaque année, le Centre de la chanson organise son concours Vive la reprise !, ouvert à de jeunes artistes à qui l’on demande d’interpréter trois chansons : une première, dite du répertoire, laissée à leur libre choix ; une deuxième d’un auteur compositeur interprète imposé (cette année : Yves Jamait), et une troisième de leur propre composition. Un jury, composé de membres du Centre de la chanson, de l’Adami, de la Sacem, de responsables de salle de spectacle et de personnalités du monde de la chanson (cette fois Anne Sylvestre et Yves Jamait), se charge, à l’issue des auditions, de répartir un certain nombre de prix rémunérés et des promesses de programmation dans les lieux représentés.
Pour la première fois en dix-neuf années d’existence, le concours s’est décentralisé. Des auditions ont eu lieu à Lyon et à Toulouse, les jurys de ces deux villes ayant chacun désigné deux finalistes, auxquels se sont joints les trois sélectionnés de la région parisienne. Sept concurrents se sont donc succédé, le lundi 7 octobre, sur la scène de la Maison de la poésie, à Paris, pour une finale devant un public convié lui aussi à attribuer son prix.
Les chansons du répertoire ont permis de retrouver Léo Ferré à deux reprises, Félix Leclerc, Souchon, Anne Sylvestre, la paire Gainsbourg/Dutronc dans ce qu’elle n’offrait pas de meilleur (L’hymne à l’amour [Moi l’nœud]), et Matthieu Côte avec La mère de l’officier, chanson difficile et de toute évidence hors de portée du candidat lyonnais qui en a fait le choix. D’une façon générale, l’interprétation est ici, comme d’ailleurs pour les chansons d’Yves Jamait, de facture classique, les chansons très peu « revisitées », voire franchement interprétées « à l’ancienne ». Cela présente sans doute l’avantage de séduire un public et un jury à la moyenne d’âge nettement plus élevée que celle des artistes, mais on aimerait parfois un peu plus d’audace, un peu plus d’envie de bousculer avec talent les textes sacrés. A ce titre, seule la candidate parisienne Soria, d’une incontestable « présence » en scène, s’accompagnant à la guitare et présentant une indéniable qualité de chant et de diction, parvient à se démarquer quelque peu des œuvres d’origine. Il est d’ailleurs à noter que cette espèce de « retour en arrière » vers une forme un peu trop classique d’interprétation s’accompagne également d’un « retour à la normale » en scène, avec une absence quasi totale d’excentricités comportementales ou vestimentaires, devenues fréquentes.
Reste les chansons propres aux artistes. A deux exceptions près, il faut noter une amélioration sensible par rapport à ce qui nous fut proposé au cours des dernières éditions de ce concours. Les thèmes abordés sortent enfin de cette aimable déconnade et de l’apologie de l’insignifiant qui semblaient devenir trop souvent la marque de fabrique de cette génération de chanteurs. Ce que proposent dans ce domaine Hélène Piris, Garance, Lise Martin, Soria et Guillaume Barraband mérite à ce titre une certaine considération, avec une préférence, ici, pour La route vers tes chansons, Gare du Nord et Tout recommencer, respectivement d’Hélène Piris, Garance et Soria.
Le jury, comme le public, a finalement choisi de primer Lise Martin, auteur d’une prestation impeccable et figée mais dont on peut craindre qu’elle ne fasse pas « vibrer » outre mesure le public du futur. La prometteuse Garance, qui avait largement dominé la demi-finale parisienne, avec Soria, et qu’on retrouvait ici visiblement plus fragile, remporte le prix de la Sacem et de l’Union nationale des auteurs et compositeurs (1).
Soria, qui m’a semblé nettement survoler ce concours, s’en va sans argent mais avec les prix Le Mans Cité Chanson et Chants de Gouttière (avec l’assurance d’une programmation dans les deux festivals organisés par ces structures).
Notons pour terminer que la soirée fut présentée par Wally, qui aura meublé de ses facéties les intermèdes entre deux artistes, avec notamment ses fameuses chansons courtes et hilarantes (2).
Floréal Melgar
(1) On peut trouver le palmarès complet de cette finale sur le site du Centre de la chanson.
(2) Je ne peux résister à l’envie de vous offrir ici les paroles de celle que je préfère : « J’aurais voulu être un artiste maudit, incompris, j’aurais craché sur le système, sur la société… mais ma femme veut pas. »
Voilà… c’est ce que j’ai souvent ressenti ces dernières années : « une prestation impeccable et figée mais dont on peut craindre qu’elle ne fasse pas « vibrer » outre mesure le public du futur. »
A part une ou deux exceptions, la phrase extraite pouvait s’appliquer à pas mal de concurrents…
En ce qui concerne une lauréate de cette année qui s’est produite à Barjac… j’ai connu des difficultés à saisir les paroles ! Je veux bien que je deviens court d’oreille, mais quand même !
Ce qui est bien c’est la diversité, et ce qui serait dommage c’est que ce soit toujours le même style qui ressorte… Enfin, ne pas retrouver le formatage du show-biz…
Je n’adhère pas aux concours… Mais si c’est une façon de donner des chances, pourquoi pas ?!