Le Castor Astral publie Amants des mots* de Claude Nougaro. Il s’agit d’un recueil de citations du chanteur, dans une édition établie par Laurent Balandras sous la direction de Jean-Paul Liégeois. L’édition est agrémentée de dessins, de gravures, et d’une peinture de Daniel Estrade, un ami de Claude Nougaro.
Comme l’écrit Laurent Balandras dans la préface, il s’agit d’un recueil de « certaines fulgurances, réfléchies, travaillées […] peaufinées sur d’innombrables brouillons. D’autres spontanées, illuminations des entretiens hauts en couleur. »
Les citations, toujours assez brèves, sont classées selon la nature du thème abordé et chaque rubrique porte le titre d’une des chansons du Toulousain. La lecture est plaisante et on croit entendre la voix et l’accent de Nougaro en lisant ces phrases rythmées et percutantes. On retrouve le goût du poète pour le jeu avec les mots qu’il avoue « frotter ensemble comme des petits cailloux pour en tirer des étincelles ».
On y apprend sa manière de voir son enfance : « Enfant, j’étais le détenu de ma cage thoracique. » Des confidences : « Mes chansons mises bout à bout, ce n’est qu’un autoportrait, c’est ma petite épopée terrestre à travers femmes, nuit, alcool et poésie. » Claude Nougaro a beaucoup écrit sur des musiques déjà existantes : « Les mots viennent se poser sur l’arbre de la musique comme des oiseaux, mais il faut que les oiseaux soient dignes de l’arbre. Je m’y efforce. »
A travers ses phrases diverses, sans lyrisme, souvent enjouées et habitées par le plaisir de la sonorité des mots, on découvrira cependant ses doutes, des réflexions sur l’amour, sur sa façon de voir son métier et le public : « Je ne me suis jamais préoccupé d’avoir tel ou tel public, je me suis toujours occupé d’extraire de ma patrie cardiaque des pépites sonores. C’est au public de me suivre. A travers vents et marées, déserts et oasis, j’ai toujours poursuivi ma démarche sans tenir compte du public qui a toujours été suffisamment nombreux pour que je continue à faire ce métier. »
On trouvera aussi de brèves considérations sur les chanteurs et auteurs, sur certains « collègues » tenus en grande estime, tels Thomas Fersen (« fabuliste à sa manière »), Serge Gainsbourg (« artiste de haute volée »), Charles Trenet (« un peu le père de la chanson moderne »), et nous lui saurons gré d’avoir perçu la parenté entre Jean-Roger Caussimon et Allain Leprest (« Je considère Allain Leprest au même titre que Jean-Roger Caussimon ») , tous deux auteurs « paroliers » dont la parenté est rarement évoquée, voire peu perçue, par les inconditionnels de Leprest.
Si l’on peut trouver une limite à ce petit ouvrage, elle tient au fait que l’origine et le contexte des citations ne sont jamais donnés, et parfois on aimerait pourtant bien les connaître. Mais il aurait fallu pour cela ajouter un appareil de notes trop important et le livre aurait perdu de la légèreté et de la fluidité qui rendent sa lecture facile et très plaisante. Comme l’écrit encore Laurent Balandras dans sa préface, il s’agit d’un « recueil sauvage de la langue nougarienne… ». La formule est belle et juste.
L’ouvrage ravira les amoureux de Claude Nougaro, comme les amoureux des mots, et peut-être en apprendront-ils plus au fil de leur lecture sur celui qui disait de lui-même : « Je ne suis pas une statue, mais j’espère avoir une stature dans la chanson française. » Il a aujourd’hui les deux**.
Pierre Delorme
*Amants des mots, Claude Nougaro, Le Castor Astral, 2019 (16 euros)
** Claude Nougaro a aujourd’hui sa statue (un bronze de Sébastien Langloÿs), square Charles-de-Gaulle à Toulouse.
… « Amant Des Mots »
… Belle formule qui répond si bien à ces paroles du « Petit Taureau » :
(… Je suis sans doute un animal
Doué de pouvoirs anormaux
Je peux échapper au mal
En jouant avec les mots …)
Tout comme « l’époustouflant » texte de « À Bout De Souffle » mais aussi « l’énigmatique » (?!) final de « Montparis »
( … Vieille dame
Elle gravit
L’escalier
En hissant
Son mouron
Vers son île
Canari… )
(Oups …De mémoire Canari ou Canarie ?!)
Etc … « Exhaustivité » impossible !