Jadis, disons une petite dizaine d’années en arrière (autant dire la préhistoire pour l’internaute moyen), un musicien accompagnateur de chanteurs m’expliqua qu’il fallait que ça « envoie du bois ». Vu qu’il jouait avec la finesse d’un bûcheron en train d’abattre un séquoia, j’ai trouvé l’expression hardie mais bien adaptée. Quelques années plus tard, sur notre réseau social favori (celui où les seniors s’expriment), une internaute en verve agrémenta une vidéo de la chanteuse coréenne Youn Sun Nah d’un tonitruant « Elle envoie du pâté »...
On envoie du bois, me dis-je, puis du pâté, pourquoi ne pas balancer la purée tant qu’on y est ? Songeur, je me demandais où nous conduirait la surenchère… Me voici renseigné. Une ancienne élève, talentueuse au demeurant, annonce, toujours sur ce même réseau social où s’exprime le senior, la tenue prochaine d’un stage d’accordéon et nous prévient : « Ça va envoyer du steak… d’accordéon ! »
Nous en sommes donc au steak… Après le petit bois et la charcuterie, c’est au tour de la boucherie ! Cette expression élégante, que j’ai trouvée ensuite dans les commentaires sous des vidéos de chanteurs ou chanteuses qui donc « envoient du steak », m’a rappelé une autre expression de nos amis américains qui, lorsqu’ils restent dubitatifs devant un œuvre médiocre, voire insuffisante, demandent : « Where is the beef ? » Eh bien, ces jeunots envoient sans doute du steak, mais ça doit être du steak de soja, car en vérité je vous le demande : Where is the beef ?
Et question bidoche, j’en reste à mon fournisseur favori, Jacques Brel, qui osa dans Les jardins du casino : « Quelques couples protubérants/Dansent comme des escalopes » Voilà qui envoie du steak !
Pierre Delorme
Salut à ces subtils explorateurs du langage et de la louange (c’était bien de la louange ?), on peut dédier cette réflexion de Dimey : « Quand on n’a rien à dire et du mal à se taire, on atteint les sommets de l’imbécillité. »
Et dire que je me moque de Partageux junior qui dit (trop souvent) : « papa, c’est trop bien ! »