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UtopieLa question posée par Floréal dans l’article précédent est des plus intéressantes.
On peut bien sûr déjà se demander si l’utopie, tout simplement, est digne d’intérêt, mais nous laissons aux philosophes le soin de répondre à cette question*. Nous resterons dans notre domaine, celui de la chanson. Pourquoi un discours utopique (prônant un monde sans frontières, par exemple) serait-il vu comme irréaliste et donc un peu ridicule, alors qu’une chanson traitant du même sujet peut être admirée ? C’est la question que pose Floréal.
Disons d’abord qu’à notre avis tous les discours ou affirmations utopistes ne se valent pas, de même que toutes les chansons qui parlent d’un monde meilleur ne se valent pas non plus. La comparaison est donc difficile. Contrairement à ce que pourrait laisser croire l’article, il ne suffit pas de quelques rimes et quelques notes pour qu’on applaudisse à la chanson qui parle d’utopie tandis qu’on vilipende n’importe quel discours qui dit sensiblement la même chose. Je connais certaines chansons où l’on se dit « citoyen du monde », par exemple, qui ne valent pas plus qu’une brève déclaration où l’on affirme son hostilité aux frontières et aux États-nations.

Cependant, c’est vrai qu’on peut aussi être très sensible à la chanson « utopiste » de Raymond Lévesque Quand les hommes vivront d’amour, une sorte de modèle du genre. On peut la trouver magnifique tout en restant persuadé qu’elle évoque quelque chose d’inaccessible, qui n’existera jamais. C’est la même chose avec L’âge d’or de Léo Ferré. La chanson est une affaire de goût, de sensibilité et d’émotion, alors que le discours, ou la simple affirmation, ne s’adresse qu’à l’intellect**, ce qui fait une grande différence entre ces deux manières de dire l’utopie.
Peut-être que certaines œuvres, chansons ou autres, qui nous parlent d’utopie nous touchent parce qu’elles en disent finalement au moins autant, sinon plus, sur la condition humaine que d’autres œuvres qui veulent dépeindre le monde tel qu’il est. Elles évoquent nos aspirations les plus nobles et en même temps leur aspect pathétique, le désarroi de notre condition. Peut-être que l’utopie, quand elle est chantée ou dite avec talent, nous console.
Dans le même ordre d’idée, rappelons qu’on peut être résolument athée, allergique à tout discours religieux quel qu’il soit, et paradoxalement admirer les larmes aux yeux les peintures du quattrocento, tout comme on peut être transporté par la musique religieuse de Jean-Sébastien Bach.
L’expression artistique a ceci de particulier qu’elle dépasse parfois son auteur et son sujet aussi, qu’il s’agisse d’utopie ou d’autre chose. Les œuvres véritables sont plus grandes que nous. C’est ce qui nous émeut en elles, cette impression de dépassement de notre condition, de notre raison et même de nos convictions.
Pour revenir au point de départ de la discussion « polémique » au sujet de la déclaration du chanteur Nilda Fernandez, affirmer son aversion pour les frontières et les États-nations est légitime, mais à défaut d’accompagner cette affirmation d’au moins l’esquisse d’un début de proposition de réflexion et d’action visant à leur disparition, il y a des chances pour qu’au mieux elle paraisse généreuse mais gratuite, et au pire passe pour de la pose.
Personnellement, l’âge venant, et même venu, je me contente d’idées beaucoup moins ambitieuses, plus modestes. Jeune homme, l’idée d’être un « citoyen du monde » me plaisait bien sûr beaucoup, comme un beau costume, jusqu’au moment où j’ai compris que le monde tout entier et le costume étaient bien trop grands pour moi, et surtout que les frontières les plus infranchissables étaient invisibles mais cloisonnaient la société tout entière bien plus sûrement que les frontières terrestres ne divisent le monde. Des frontières invisibles intégrées depuis l’enfance dans nos têtes et qu’il est bien difficile de franchir. On peut les mettre à bas en rêve dans l’utopie, mais c’est bien l’accès à la connaissance et la prise de conscience de leur existence qui peut nous aider à les faire disparaître dans la réalité.
Mais je m’éloigne ici de la question de départ et de notre domaine de prédilection, la chanson.

Pierre Delorme

* Cela dit, il n’est pas besoin d’être philosophe pour savoir que nombre de réalisations concrètes sont nées d’une utopie.

** Il y a des exemples de discours célèbres à la teneur « utopique » marquée, comme celui de Martin Luther King « I have a dream…», qui ont frappé les esprits comme peut le faire parfois une chanson ou une œuvre d’art.

 

L’âge d’or, Léo Ferré

2 commentaires »

  1. sarclo dit :

    Léo Ferré aussi ridicule qu’à l’ordinaire…

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