A la suite de la publication, sur ce site, de deux articles accompagnés de vidéos* où Georges Brassens et Jean Ferrat, d’une part, puis Marie Laforêt et à nouveau Jean Ferrat, d’autre part, évoquent l’engagement en chanson, un débat s’est ensuivi sur un réseau social bien connu. Nous avons alors eu l’idée de demander à sept artistes ayant participé à cette discussion de nous livrer ici leur conception de la « chanson engagée » ou leur façon de comprendre cette expression.
Nous vous proposons donc ci-dessous leurs contributions, au rythme d’une par jour. Nous avons opté pour l’ordre alphabétique. Aujourd’hui : Marc Servera.

* Voir « Deux hommes sur un canapé » et « La chanson engagée, c’est le vol ! ».

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« En réalité, je me suis engagé. Seulement, les mauvais esprits ou ceux qui sont dépourvus d’esprit ne s’en sont pas aperçus. Pour que les gens un peu imbéciles s’imaginent que vous êtes engagé, il faut que vous énonciez des faits, il faut que vous leur disiez, voilà : « Je suis contre la peine de mort. » Moi, je n’ai pas dit « je suis contre la peine de mort », j’ai écrit Le gorille » (Georges Brassens).

Marc ServeraBien des chansons de Brassens sont à ce titre des chansons engagées. Elles le sont à sa manière, qui rejoint celle d’un La Fontaine. Son humanisme fait de lui de facto un moraliste, en aucune manière un moralisateur. La différence ? Il ne se suppose pas au-dessus d’autrui au point de se sentir légitime à lui faire la leçon. Il la propose en partage, ténue et soucieuse de ne pas indisposer, laissant chacun libre, sans se voir mis à l’index, de l’accueillir ou pas.
Au premier degré, un décor, des personnages, une histoire. En filigrane du texte ou seulement en un vers, quelque chose de plus que la chose dite, quelque chose de non expliqué, encore moins asséné, juste suggéré.
Rien de frontal, donc, dans les chansons « engagées » de Georges Brassens. Elles ne forgent pas un réquisitoire, s’apparentent plutôt à une plaidoirie. Ce dernier exercice s’avère plus complexe, plus subtil, plus délicat, moins simpliste et moins sommaire. Il ne peut grossir ni alourdir le trait, vise au contraire in fine à alléger, cherchant pour cela l’interstice, le cœur, la faille.
Le réquisitoire prétend s’appuyer sur évidences et certitudes, la plaidoirie souvent ne peut miser que sur le doute. Elle est dans tous les sens du terme moins criante, en ce sens moins moutonnière. Ici probablement le distinguo entre la bonne chanson « engagée » et l’autre, la médiocre : la première s’attelle à librement infléchir un auditoire moins conquis d’avance, la seconde martèle et règle son compte devant un public peu ou prou déjà acquis. La première est service à contre-courant, l’autre surfe sur sa rente. L’une espère son utilité, sans raidir quiconque, pour cela respectueuse de tous. L’autre accable, se fait plaisir et se lorgne dans le miroir d’un entre-soi.

Marc Servera

2 commentaires »

  1. Georges Cuffi dit :

    Excellent ! Et très pertinent !

  2. sarclo dit :

    A noter que je suis capable d’être d’accord avec Georges Cuffi…

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