A la suite de la publication, sur ce site, de deux articles accompagnés de vidéos* où Georges Brassens et Jean Ferrat, d’une part, puis Marie Laforêt et à nouveau Jean Ferrat, d’autre part, évoquent l’engagement en chanson, un débat s’est ensuivi sur un réseau social bien connu. Nous avons alors eu l’idée de demander à sept artistes ayant participé à cette discussion de nous livrer ici leur conception de la « chanson engagée » ou leur façon de comprendre cette expression.
Nous vous proposons donc ci-dessous leurs contributions, au rythme d’une par jour. Nous avons opté pour l’ordre alphabétique. Aujourd’hui : Sarcloret.
* Voir « Deux hommes sur un canapé » et « La chanson engagée, c’est le vol ! ».
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Le chanteur engagé auquel le béotien fait référence à peu près automatiquement, c’est Dylan, sauf qu’il en a rien à foutre. Il a baigné là-dedans par idolâtrie pour Woody Guthrie, et pour séduire les filles qui pouvaient l’héberger l’hiver… Pour sauter Joan Baez, ça doit être un atout, et c’est en soi une réussite. Pour ma part j’ai arrêté d’aller aux manifs dès que j’ai réussi à ramener une gonzesse, un sosie de Suze Rotolo, d’ailleurs, qui est mon idéal féminin. Quand on écrit avec un minimum de liberté, ce qui nous passe par la tête aboutit dans nos chansons. De ce fait, si on est pas congelé du bulbe, il peut y atterrir quelques idées. Ça va faire la différence entre une chanson riche et une chanson indigente. Les chansons auxquelles tu t’attaques avec quelque chose à dire de précis risquent de ne surprendre ni toi ni personne. Celles où tu te laisses libre de vadrouiller vont respirer un peu plus. C’est là qu’elles vont gagner en épaisseur. Le marchand de rebellitude va m’endormir mieux que le marchand de cailloux, mais le poète a le droit d’avoir des idées. Par ailleurs, l’artiste n’est pas un marchand de papier peint. La chanson au mètre, ça va un moment. Donc forcément le grain de subversion qui fait lever la pâte de la liberté intérieure, si je ne le trouve pas je m’emmerde. C’est ça qui rend la chanson militante insupportable : le prêt-à-penser, mes couilles. Si une cause te met les larmes aux yeux, tu peux l’écrire, mais il vaut mieux se relire les yeux secs, et pas laisser de gras. J’ai dû écrire quelques chansons à idées, mais j’espère avoir jeté celles qui étaient univoques. Tracts, images d’Epinal et quatrièmes de couverture ne font pas de chansons. De la merde. Cela dit, faire une chanson est une chose, monter un récital en est une autre. Il y a un équilibre à trouver pour n’être ni mièvre ni pète-couilles, et Dylan est toujours content d’avoir écrit The times are changing et Masters of War pour mettre entre Love sick et I’ll be your baby tonight.
Sarcloret