La consommation des chansons a changé, nous l’avons déjà dit. Elle a changé comme jadis changea la consommation de l’eau quand qu’elle fut devenue « courante » dans toutes les maisons. Aujourd’hui, nous avons aussi la « chanson courante », partout et tout le temps. Il suffit d’ouvrir le robinet internet. Comme l’eau (du moins sous nos latitudes) la chanson n’est plus rare et ne demande plus aucun effort pour y accéder. Elle coule continûment, partout.
Tout change, bien sûr, c’est normal. Mais ce qui frappe et intrigue, voire ce qui navre, dans ce nouveau mode de consommation est le peu d’attention portée à la qualité du son des enregistrements. Tout est dûment ratiboisé, comprimé, compressé, écrêté. Toute aspérité est gommée et le relief sonore est inexistant. Morne plaine. On dirait que cette donnée a perdu toute importance aux yeux des nouvelles générations. Tout comme la qualité de l’image semble devenue une préoccupation ancestrale pour ceux qui n’ont pour tout « cinéma » que les séries qu’ils suivent sur l’écran riquiqui de leur ordinateur.
Cette profusion de chansons entraîne une certaine paresse chez les internautes, dont il semblerait que leur curiosité dans ce domaine se limite maintenant à jeter une oreille et un œil distraits sur son smartphone (ou son PC, pour les plus âgés) pour se « faire une idée », et ensuite éventuellement porter un jugement aussi hâtif que définitif sur tel ou telle. Sans plus. Le chanteur du coin, Youn Sun Nah, Léo Ferré, c’est pareil. Tout est à plat, sans perspective. Passés à la moulinette du mp3, justice n’est plus rendue ni à la voix ni au travail de l’artiste et de l’ingénieur du son. C’est triste et désolant. C’est comme ça. Jusqu’à quand ?
Pierre Delorme
Pierre, tu es vraiment optimiste : l’écran de l’ordinateur c’est plutôt assez grand… Mes enfants regardent leurs séries sur l’écran de leur téléphone !
Mon optimisme à moi : plus le son et l’image internet seront crado, plus le spectacle vivant va reprendre de l’importance. Et on vivra peut-être la fin de la véritable anomalie si on réfléchit sur le long terme, celle qui veut que la musique enregistrée prédomine sur la musique vivante !
Je partage volontiers ces constats. Il faudrait être de bien mauvaise foi pour nier la baisse de qualité du son pour le plus clair des appareils contemporains.
Et pourtant, je tique un peu. Je me souviens, voici dix-quinze ans, des commentaires du défunt forum d’Abeille Musique consacré à la musique classique. Bien des mélomanes s’y méfiaient de l’accès facilité au classique par la grâce du CD… Et nous disaient que le concert était le seul ragnagna, etc.
Bon, il n’en reste pas moins que le crachouillis qui sort des téléphones portables me fait fuir à toutes jambes…