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Ostende, kursaal

Ostende, kursaal

J’ai toujours été agacé par les interprètes intempestifs de Léo Ferré qui maltraitent, selon mes critères, les chansons qu’ils décident de chanter. Souvent dans ce genre d’exercice leurs insuffisances vocales suffisent à les rendre ridicules. Ça n’est pas toujours le cas, bien sûr, mais toutes ces versions, qui me semblent détestables, ont tout de même un point commun : les intentions musicales de départ de la chanson sont absentes. L’harmonie, le rythme, la mélodie même parfois, sont traitées par le « mépris », comme quantité négligeable, au profit du texte, comme s’il était le seul « moteur » de la chanson et que lui seul importait. C’est bien là que le bât blesse, car les chansons de Léo Ferré, comme les autres d’ailleurs, ne peuvent pas être réduites à leur seul texte quand elles sont interprétées. Les vers sont indissociables de la mélodie qui les porte et de l’harmonie qui la sous-tend. L’interprétation se doit de rendre compte de tous ces éléments de la chanson. Ce qui ne signifie pas se livrer forcément à une imitation servile, mais demande de conserver tout de même une certaine fidélité à l’original.
Il existe des interprétations fidèles et de grande qualité des chansons de Ferré, Michel Hermon ou Renée Claude en sont de bons exemples. Il en est d’autres plus éloignées. Le chanteur belge Arno donne une version très personnelle de Comme à Ostende (Ferré/Caussimon), assez éloignée de l’original, mais qui contrairement aux apparences respecte les intentions musicales de départ de Léo Ferré. Simplement les effets sont poussés « plus loin » et accentuent la différence de traitement entre les couplets et le refrain, notamment dans l’arrangement*. La voix du chanteur belge, très caractéristique, est tout à fait différente de celle de Léo Ferré, mais les intentions mélodiques sont respectées sur les points essentiels de la chanson, en particulier les notes tenues, bien qu’ Arno n’ait ni la voix ni la technique pour le faire selon les critères habituels et « rivaliser » avec Léo Ferré. Cependant, aussi éloignée que sa version puisse paraître, elle laisse apercevoir l’original en filigrane. Original qui disparaît dans les versions d’interprètes médiocres qui pensent que « s’amuser », faire des effets, avec le texte peut tenir lieu de musique et rendre compte de la chanson. C’est faire bien peu de cas de la composition, plus importante qu’il peut y paraître dans une chanson dite « à texte », pour peu qu’elle ait été écrite par un maître. Et Léo Ferré, quoi qu’on pense du personnage, était un maître. Il a écrit et composé, avec ses propres textes ou à partir d’autres auteurs (dont Caussimon), suffisamment de chansons magistrales pour qu’on puisse l’affirmer. Il peut sembler difficile de définir ce qu’est une chanson « magistrale », mais le nombre de ses interprètes, bons ou mauvais, peu importe, peut être un premier critère objectif sur lequel s’appuyer pour tenter de le faire.

Pierre Delorme

* Dans les couplets, les arpèges rubato de la harpe et les notes rêveuses de la guitare électrique figurant les vagues de la mer du Nord sont remplacés par un rythme de « rumba » incertaine, comme toujours prête à se casser la gueule et qui évoque la déambulation des « gars de la bande » dans la ville. Les grands accords dramatiques du refrain ( la question est d’importance : On se demande si ça vaut l’ coup de vivre sa vie ? ) sont encore plus marqués, voire « alourdis », dans la version d’ Arno, pour renforcer l’effet. La tonalité plus grave (adaptée au registre du chanteur) contribue également à assombrir la chanson.

5 commentaires »

  1. sarclo dit :

    Deux remarques :
    – premièrement c’est bien joli de dénoncer les branleurs qui font pas bien la job, mais sans dénoncer, y faut le nom… on veut lire des méchancetés plus précises, c’est plus rigolo. Qui c’est qu’a chié sur cette chanson ? C’est la plus belle chanson du monde, évidemment, alors on veut savoir.
    – deuxièmement la meilleure version de cette chanson, et je le dis à chaque occasion que j’ai de le faire même si j’enquiquine tout le monde, c’est Michel Buhler, devant n’importe quel piano pourri avec deux grammes dans chaque bras en fin de soirée. Arno est excellent mais Bubu est bien meilleur, et il a de la marge.

    • administrateur dit :

      Les crapauds et rossignols ne sont pas méchants, simplement un peu goguenards. De plus, ils sont parfaitement conscients que dans le domaine de la chanson il n’y a pas de vérité, ni bonne à dire ni bonne à taire. La chanson appartient à tout le monde, chacun peut y prendre les vessies pour des lanternes à loisir ! Les plus mauvais peuvent passer pour les meilleurs, et lycée de Versailles, cela n’a pas d’importance. Essayer de faire partager un point de vue dans ce domaine, c’est partir à l’assaut des moulins, et avec deux grammes dans chaque bras, ça n’aide pas ! Mais c’est vrai, Comme à Ostende est la plus belle chanson du monde. Pierre Delorme

  2. Norbert Gabriel dit :

    Salut

    Dans les multiples avatars qui ont refait du Ferré avec les bonheurs (ou des avanies) divers, Bashung a chanté « Avec le temps » dans une version musicale que je trouve remarquable, ni copie servile, ni re-création bâclée et sommaire, il tourne autour de la musique de Ferré et c’est un véritable hommage au compositeur. sinon, musicalement, un de ceux qui ont plus apporté à Ferré est David Venitucci, son accordéon « symphonique » est épatant, comme on disait en 1950…

  3. JORQUERA Diego dit :

    Bonjour Pierre, je découvre le site, vos billets et les commentaires et cela m’enchante. On a dû se croiser de nombreuses fois sans se connaître à St-Jean et St-Paul dans les années 70, celles de Régis Balmelle, Goun, Gus et autres écorchés de la guitare et de la vie. En ce qui concerne Ferré et « Avec le temps », mon humble niveau de guitariste amateur trouve que ces simple trois notes (si on reprend fidèlement le piano original) égrenées tout le long d’un accompagnement qui se doit d’être autant présent que discret sont, avec les silences qui les accompagnent, beaucoup plus ardues que tant de remplissages bruyants si souvent rencontrés. Quant à l’interpréter sans la desservir tout en grattant, je pense que j’y parviendrai peut-être en phase terminale de ma vie… J’ai beaucoup apprécié la prestation de Youn Sun Nah avec le guitariste Ulf Wakenius. Diego Jorquera.

    • administrateur dit :

      Merci pour votre message. J’espère que vous parviendrez à interpréter Avec le temps à la guitare seulement dans très, très longtemps ! Le plus longtemps possible. 🙂 Pierre Delorme

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