A tant croiser le fer avec les amateurs de la CFQ (chanson française de qualité), à tant batailler ferme avec eux (plus ou moins sérieusement, l’humour étant en option), je me dis que si ces oiseaux-là restent finalement sur leurs positions, dont ils ne bougeront de toute façon jamais, en revanche, j’ai moi-même fait peu à peu bouger mes propres lignes, voire revu mon logiciel ! Car, au bout ducompte, argumenter dans le vide et pour rien avec des gens qui ne souhaitent pas comprendre m’aura au moins permis de voir un peu plus clair dans mes pensées chansonnières. C’est déjà ça.
Si mes « contradicteurs » habituels se sont fait une religion définitive, où brillent quelques idoles ou leurs saintes reliques, je demeure pour ma part assez tolérant, bien qu’athée jusqu’au trognon, voire carrément mécréant. Car finalement il en va de la chanson comme des croyances religieuses. Les amours et les rejets ne s’expliquent pas, c’est une affaire de foi, du genre de celle que Paul Claudel découvrit derrière un pilier de la cathédrale Notre-Dame (reconnaissons que le lieu était plus propice à la chose qu’une fabrique de saucisses, un grand magasin ou un stade de foot).
La croyance religieuse m’a toujours paru un peu déshonorante pour la condition humaine, une forme d’abdication devant le mystère. Ça n’est bien sûr qu’un point de vue et peu importe ici, car la « religion » de la chanson que pratiquent certains est bien moins lourde de conséquences que d’autres religions plus officielles. Elle est même sympathique parfois. Elle a surtout l’intérêt de m’autoriser à me glisser dans la peau de ces gens de jadis qui refusaient d’entrer à l’église et gardaient leur chapeau sur la tête, car ils se réclamaient de la libre-pensée. C’est une chouette appellation libre-pensée. Être un genre de libre-penseur de la chanson, ça me plaît bien.
Être libre n’est pas toujours facile, penser non plus, mais penser librement, par soi-même, ça, c’est très difficile. Alors il est plaisant d’essayer d’y parvenir, en chanson ou autrement.
Pierre Delorme
Pierre,
Certains amoureux transis de CFQ me rappellent fort l’injonction scolaire « Il faut aimer Flaubert ». Je n’ai jamais aimé Flaubert. Un désamour entamé à 13 ans avec Salammbô et achevé à 43 ans avec les Trois Contes. J’ai reposé le recueil en me disant que plus jamais je ne tenterais de lire une ligne de Flaubert. Effort méritoire, chaque décennie j’avais tâté à nouveau du Flaubert.
Nos amateurs de CFQ — quand il y a du Q ça ne me rend pas égrillard mais ça me fait rigoler — copient inconsciemment le terrorisme intellectuel de l’institution scolaire qui prétend dicter le bon goût…
Yves Simon m’a toujours laissé complètement indifférent et j’ai encore vérifié récemment en écoutant ses disques d’après 2000 que je ne connaissais pas. Je n’ai jamais aimé la voix de Michel Jonasz. Je reste insensible ou ennuyé devant le plus clair du répertoire de Barbara.
« Il faut aimer Brassens ». Je me souviens de Gérard Manset disant qu’il mettait seulement « 8 sur 20 » à Georges Brassens. Ça devrait en faire hurler quelques-uns… Ben moi, j’aime tout Brassens alors que je ne trouve pas plus de trois-quatre chansons de Manset à mon goût.