Faisons un rêve. Imaginons que le service public radiophonique considère que la chanson ne doit plus être diffusée uniquement au fil de son actualité promotionnelle, ou du moins pas toujours. Imaginons que ce même service public considère aussi qu’il est inutile et improductif de produire des émissions aux heures de grande écoute où l’animateur (approchant les soixante-dix ans) passe « en fraude » des chansonnettes qui seront immédiatement cataloguées « vieilleries » et « ringardises », par l’auditeur lambda.
Imaginons que le service public décide de consacrer une tranche horaire (raisonnable) à une émission hebdomadaire présentée comme un « musée de la chanson ». Peut-être que les auditeurs iraient y jeter une oreille, puis deux, mais en toute connaissance de cause, pour y écouter avec une attention nouvelle des chansons qui ne sont pas forcément d’aujourd’hui.
L’idée même de musée, longtemps couverte de toiles d’araignée et de poussière a beaucoup évolué au cours des cinquante dernières années. La fréquentation des œuvres par le public populaire a augmenté. Les « événements » drainent des foules entières de personnes qui ne sont pas forcément des « amateurs » de peinture, par exemple. Pourquoi ne réussirait-on pas la même chose avec la chanson ? Créer une émission « savante », mais à la portée de tout le monde, sur la chanson, son histoire, ses modes, ses styles, etc. Et dans la foulée, pourquoi ne pas accompagner un public (captif) de jeunes à des concerts de chanson « à l’ancienne », à la Maison de la radio ? On les accompagne à la projection des films anciens ou à des représentations théâtrales de facture classique, pourquoi ne pas leur montrer, par exemple, ce qu’était un récital d’interprète, style rive-gauche, voix/piano ?
La seule condition de réussite (à mon avis) tient au fait de présenter dès le départ les artistes et les manières de faire (phrasé, arrangement, mixage, etc.) comme représentatifs d’une époque passée, afin de ne pas les mettre en concurrence systématique avec l’actualité immédiate de la chanson, souvent confondue avec sa modernité.
Peut-être cela permettrait-il d’éclairer la lanterne des nouvelles générations, voire des anciennes.
Mais hélas, il ne s’agit que de chanson, un art populaire aujourd’hui assimilé à un simple divertissement… alors, il y a de fortes chances pour que ça ne reste qu’un rêve.
Pierre Delorme
Envoie ton projet à Radio France. C est une jolie idée.
Effectivement l’idée de musée a changé depuis quelques années, celui-ci n’est plus synonyme d’un monde vieillot, poussiéreux, un musée signifie souvent aujourd’hui « évènement incontournable » qu’il faut avoir vu. C’est donc une bonne idée. Mais pour ça il faut une volonté, un intérêt vrai, un sens du service public et des moyens. Nous sommes nombreux à avoir caressé cette idée depuis vingt ans, ne serait-ce qu’à travers le Centre de la Chanson de Paris ou d’autres projets en cours du côté de Nancy.
Si une telle émission devait voir le jour et surtout avec ces mêmes prérogatives, je la fuirais comme… une grave maladie de peau, à toute allure… !
Salut
Je pense à un piano-voix avec l’exubérante Marilou Nézeys au piano, c’est irrésistible pour toutes les générations… Elle peut enchainer une chanson « classique » avec un solo débridé de Muse.
De même le concert de Romain Didier, « Dans ce piano tout noir… »
Ou encore Marie-Thérèse Orain accompagnée par Jennifer Quillet, ça casse toutes les frontières d’âge et générations…
Vous n’avez pas compris; j’évoquais un récital piano/ voix de facture classique « rive gauche » (cabaret), un ou une interprète accompagné par un ou une pianiste, chante le répertoire. Que d’autres artistes proposent des manières différentes aujourd’hui en piano/voix est une autre chose. Si de plus, « ça casse toutes les frontières d’âge et de générations », c’est formidable et si rare qu’ils devraient rapidement rencontrer le grand public, on devrait très vite en entendre parler partout.
Sur France Inter Alain Poulanges a naguère fait une émission qui, si elle était différente de cette proposition, en avait tout de même certaines caractéristiques.
« des émissions aux heures de grande écoute où l’animateur (approchant les soixante-dix ans) passe « en fraude » des chansonnettes qui seront immédiatement cataloguées « vieilleries » et « ringardises », par l’auditeur lambda. » Vous rêvez de musée, de faire connaître aux jeunes le patrimoine de la chanson française, mais qu’est-ce qu’il faisait d’autre, Philippe Meyer ? Et combien de découvertes de jeunes talents dans ses émissions ? Moi je ne rêve plus, je constate, et près de deux millions d’auditeurs « ringards » écoutaient son émission, dont des jeunes, et un poste de radio peut réunir beaucoup d’auditeurs, qui ne sont pas comptabilisés.
Si vous avez bien lu l’article vous aurez compris que l’idée centrale, ou plutôt l’hypothèse émise, était que si l’émission était donnée dès le départ pour un « musée de la chanson » l’attitude des auditeurs lambda serait peut-être différente. ça n’est qu’une hypothèse, bien sûr. Si vous entrez dans un cinéma en pensant voir un film de divertissement et que vous tombez sur un film d’auteur plus difficile, ça n’est pas forcément le bon moment, celui où vous avez envie de voir ce type de film. En revanche, si vous si y allez en toute connaissance de cause, ça peut marcher et vous plaire. C’est un simple point de vue. En revanche, le point de vue que ne je partage pas avec vous, et avec nombre d’amateurs de CFQ, est celui qui consiste à dire que cette émission était écoutée par des « jeunes ». Je ne connais pour ma part que des gens de ma génération qui se plaignent de sa disparition. Je travaille encore beaucoup avec pas mal de « jeunes » versés dans la chanson et la musique, aucun n’a jamais évoqué cette émission devant moi.
Il y aura une autre émission à la place de celle-ci, à la même heure, et il y aura aussi beaucoup d’auditeurs, qui aiment que la radio les accompagne dans leur vie quotidienne, quelle que soit l’émission. Ils écouteront la nouvelle. Quant aux jeunes talents, il y a pléthore, nous avons publié une liste des radios qui diffusent des émissions « chansons », et il y a le net ! Si on s’intéresse à la chanson et aux nouveaux talents, jamais il n’y a eu autant de moyens de les découvrir et de se « régaler » de leurs chansons… Je me demande vraiment parfois ce que désirent les amateurs de CFQ.
L’émission de Philippe Meyer, le samedi, de 12 à 13 heures, était écoutée en famille, chez moi, et je pense qu’il en était de même dans de nombreuses familles. Et dans les familles, il y a bien toujours quelques jeunes, en tout cas tous ceux avec qui j’ai, depuis le début, écouté cette émission ne se sont jamais plaint de ringardise, ou de l’âge du capitaine ! Et en tant que famille d’accueil pour des enfants de tous âges, j’en ai eu aussi pas mal à la maison, et le partage musical se fait dans les deux sens.
De plus, je ne suis pas sûre que le mot musée accroche la jeunesse !