Parler chanson entre amateurs, c’est sympa, écrire des articles également. Mais donner la parole à ceux qui fabriquent et chantent des chansons, c’est bien aussi. Nous nous sommes tous délectés, depuis longtemps déjà, des considérations sur cet art des Brel, Brassens, Ferré, Nougaro, Béart, et leurs rares consœurs. Ils n’ont plus de secrets pour nous ! Mais que font les jeunes gens, si nombreux aujourd’hui, lorsqu’ils écrivent des chansons ? Et pourquoi le font-ils ?
Nous avons demandé à un certain nombre d’entre eux de nous l’écrire, histoire d’éclairer nos vieilles lanternes. Ce qui devrait, du même coup, faire baisser la moyenne d’âge des rédacteurs de ce site, ce qui n’est pas négligeable.
Après Buridane, Gilles Roucaute et Lise Martin, c’est Martin Luminet* qui a répondu à notre invitation.
Pour en parler on aimerait déjà trouver le bon mot, celui qui dira tout d’un coup, qui ne se contredira pas, qui ira droit au cœur sans trembler, le mot pas fébrile, celui qui donnera l’air d’être sûr de nous, qui nous fera dire qu’on a raison de faire ça, le mot fort quoi, le mot plus fort que nous au fond.
Or écrire c’est faiblir, c’est doucement s’effondrer, c’est admettre qu’on n’est pas beau et qu’on a besoin de chansons pour se tenir droit. C’est s’enlever des clous dans le pied, c’est entrer dans sa tête et son cœur un peu violemment, c’est se faire des petits trous dans le corps pour y laisser passer la lumière. C’est caresser ses plaies. C’est affronter les choses en face en acceptant qu’il soit préférable de vivre quelques dures vérités plutôt que de doux mensonges.
C’est des mauvais moments qui sont bons à vivre, c’est souffrir de jolies choses, c’est tâcher d’être heureux et d’en foutre de partout.
Voilà, on cherche le bonheur sans le dire trop fort pour pouvoir en parler auprès de ceux qui l’attendent tout bas.
On cherche à devenir heureux et à le rendre contagieux en espérant découvrir un jour la sensation de n’être pas là pour rien.
Au fond écrire c’est pas bien grave, c’est pas grand-chose, c’est juste des mots, c’est du vent bien peigné, c’est dérisoire, des chansons il en meurt toutes les 3 minutes et tout le monde s’en remet. C’est rien, c’est que des chansons, c’est que nous, c’est ce qu’il en restera, c’est ce qu’on en dira, c’est pas grand-chose. On est peu de chose et c’est déjà immense.
Martin Luminet
* Pour en savoir plus sur Martin Luminet : http://surlesmains.com/
Aragon disait: « Je chante pour passer le temps »,
Ferrat : » Je ne chante pas pour passer le temps »
et Thiéfaine : » Je ne chante pas pour passer le temps, mais pour me rendre intéressant »
Quant à Anne Sylvestre: « Ecrire pour ne pas mourir »
En attendant, je chante la nuit…debout!