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Certains amateurs de chanson de qualité expriment parfois leur lassitude devant le « règne » de l’auteur-compositeur-interprète (ACI). Ils réclament à cor et à cris le retour des interprètes. Il est vrai que jadis les paroliers écrivaient des paroles, les musiciens composaient des mélodies, et l’interprète interprétait. Aujourd’hui, l’ACI cumule les trois fonctions sans avoir forcément ni la compétence ni le talent suffisant pour ça*. Les amateurs imaginent donc facilement que la qualité des chansons augmenterait si certains ACI jugés interprètes médiocres, par exemple, confiaient à d’autres ce qu’ils écrivent, si certains bons paroliers laissaient leur « musique » aux musiciens, et si, à l’inverse, certains bons interprètes posaient une plume peu inspirée pour se consacrer à l’interprétation. Bref, tous les cas de figure sont imaginables.419-sous-le-ciel-de-paris-02
Mais, à mon avis, les choses ne sont pas aussi simples, elles sont en tout cas différentes de « jadis ». Aujourd’hui, c’est la nature même des chansons qui a changé.
La plupart des textes des ACI sont assez « mal fichus », techniquement parlant. Ils sont adaptés à la voix et au phrasé de leur auteur, et uniquement de leur auteur. Comme un vêtement cousu au plus près, directement sur le corps, et qui ne pourrait être porté que par le « couturier » lui-même. Le fait d’écrire ses propres textes ne fait pas de l’ACI un véritable parolier. Ses mélodies ne font pas non plus de lui un compositeur. Souvent peu remarquables et peu travaillées, elles ne présentent pas d’ intérêt pour un interprète éventuel.
La chanson de l’ACI est devenue indissociable de la voix et surtout de la personnalité (ou du personnage) de l’auteur avec lesquelles elle forme un tout. Elle est limitée à sa seule personne. Elle n’existe pas en tant que telle, comme un objet que d’autres pourraient s’approprier, elle est une sorte d’« expression personnalisée » qui prend, plus ou moins, la forme d’une chanson.
Les ACI capables d’écrire et composer des chansons personnelles que d’autres ont l’envie de reprendre sont très rares. Généralement, ils connaissent pour cette raison la célébrité. Célébrité due précisément au fait que tout un chacun à sa manière, chanteur ou non, peut s’approprier leurs chansons. Et des ACI de ce calibre, il n’y en a pas beaucoup. Ils ne courent pas les rues, à la différence de leurs chansons, comme le chantait, dans L’Âme des poètes, Charles Trenet, un des premiers ACI.

Pierre Delorme

* Les paroliers avaient (ont ?) une technique, une bonne maîtrise de la prosodie, notamment de la métrique. Les compositeurs étaient de véritables musiciens et les interprètes avaient la « voix » et la technique des comédiens (ce qu’ils étaient souvent aussi). Les ACI d’aujourd’hui, dans la plupart des cas, ne sont pas vraiment musiciens, ils ne connaissent rien à la prosodie, ils écrivent comme ils parlent, et leur voix est aussi peu travaillée que leur gestuelle. Ce qui peut expliquer la faiblesse de bien des productions dont le succès tient souvent plus à l’originalité du « personnage » qui les chante qu’aux chansons elles-mêmes.

13 commentaires »

  1. POMMIER Marc dit :

    Bon, je suis d’acccord avec toi Pierre ! Je ne peux donner un quelconque point de vue niveau « compositeur » !!! « je n’ai pas l’oreille affinée ».
    Pour les textes, par exemple, une partie des paroles m’échappent,j’ai l’impression qu’elles sont mangées, ne sont pas articulées, valorisées, accentuées là ou il faut !! Pour certaines et certains il faut laisser le temps, le temps d’évoluer de progresser comme certaines et certains de leurs anciens ont pu faire. Il y avait des cabarets pour cela !!! Cela dit, il y a de bonnes pousses !!!
    ATTENTION aux sonos trop foooooooortes !!!

    • administrateur dit :

      Très souvent, quand on ne comprend que difficilement les paroles d’une chanson on incrimine une diction défaillante ou une sono trop puissante. C’est souvent vrai, mais il s’agit aussi d’un simple problème d’écriture.

  2. compagnon dit :

    Je suis assez d’accord avec ce constat étayé et réfléchi à son juste niveau. Mais hélas aujourd’hui rares sont les auteurs de chanson dignes d’un tel substantif. Le rap notamment n’est ni plus ni moins que de la parlotte souvent narcissique où même le sens inné est difficile à traduire en terme d’utile intelligence et matière à créer de l’émotion envers celui qui l’écoute. Ces gens-là débitent des paroles bizarres sans suivi d’idées de fond, sans logique, et sautent du coq à l’âne sans transition, seul le dico de rimes dont ils sont esclaves les interpelle et ne parlons pas de métrique et de prosodie là-dedans. Ce n’est que banalités affligeantes et sans intérêts et pourtant, paradoxe, bon nombre de jeunes s’en gavent les tympans sans véritablement en chercher le sens, l’intelligence, la logique.
    Ne devrions nous pas revoir et corriger déjà ce qu’il faut inclure uniquement dans la notion même d’auteur ?
    Bon, Pierre je suis tout à fait en accord avec ton analyse et tes arguments. Merci et bonne journée. A plus tard.

  3. compagnon dit :

    Le rap peut-il être inclus dans ce qu’on appelle ou ce qu’on appelait la chanson ? Voilà une vraie question !

    Gilles Compagnon.

  4. Chris Land dit :

    Toujours la même antienne… C’était mieux avant.
    Pourtant les contre-exemples pullulent pour peu qu’on se donne la peine d’aller, par simple curiosité, voir ce qui s’est fait, se fait, et se fera… ici ou là.
    Barbara (ACI) est très fréquemment réinterprétée en ce moment… Brassens (ACI) l’est aussi, Ferrat, Ferré, Béart, Aznavour, et tant d’autres, régulièrement également ; Joyet, Michèle Bernard, J-M Piton, Rémo Gary, etc. sont régulièrement repris par de jeunes (ou moins jeunes) interprètes…
    Et qui pourrait se plaindre ou regretter que Loïc Lantoine soit un A.I. qui n’écrirait QUE pour lui seul, ou Melissmell, et tant d’autres jeunes ACI qui marquent leur époque de leur empreinte par leur créativité et leur personnalité ? Peut-être en dehors des chemins balisés de l’ « Académisme » !

    • administrateur dit :

      Décidément… L’article ne dit pas que « c’était mieux avant », il dit simplement que les chansons ne sont plus faites de la même manière. Les exemples que vous donnez en « contre-exemples » abondent en fait dans le sens de ce qui est écrit dans l’article, notamment sur le plan de l’écriture. Les artistes que vous évoquez sont soit des grands anciens, soit des gens (comme Joyet, Michèle Bernard, Rémo Gary etc.) qui écrivent « à l’ancienne » et dont les textes sont très réguliers sur le plan de la prosodie. Pour les autres, il faudra peut-être attendre un peu avant de savoir s’ils marquent de leur empreinte quoi que ce soit, le temps seul le dira. Quant à l’académisme en chanson, qu’est-ce ?

    • Floréal Melgar dit :

      Béart « fréquemment repris » ? Ah bon ?… Michèle Bernard, Piton, « régulièrement repris » ? Ah bon ?…

  5. Danièle Sala dit :

    Chanson ou pas chanson, le rap est un moyen d’expression, un cri de la jeunesse en désarroi, écoutez la chanson de Soprano, Puisqu’il faut vivre, des paroles suivies d’idées de fond », une diction claire, un fond musical discret .

    • Danièle Sala dit :

      Ce commentaire à propos du rap était une réponse à Gilles Compagnon. Après, c’est vrai que les techniques d’écriture ont changé, avant ont écrivait beaucoup en alexandrins, ce qui donnait déjà un rythme, maintenant on écrit poèmes et chansons en vers libres, c’est autre chose, mais quel que soit le style d’écriture, il y a du bon et du mauvais, comme il y en a toujours eu, et c’est vrai qu’un bon parolier ne fait pas toujours un bon interprète ou un bon musicien, et vice- versa, alors que la somme de bons paroliers, de bons musiciens, et de bons interprètes serait parfois préférable.

  6. Frédo dit :

    Bonjour
    Je suis bien d’accord avec ce petit billet. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai créé Bâtisseurs de chansons. Mais je dois dire que c’est très difficile de motiver les ACI’s pour qu’ils se mélangent 🙂 Dans ce monde de chacun pour soi, il n’y plus de place pour l’échange et le partage.

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