Parler chanson entre amateurs, c’est sympa, écrire des articles également. Mais donner la parole à ceux qui fabriquent et chantent des chansons, c’est bien aussi. Nous nous sommes tous délectés, depuis longtemps déjà, des considérations sur cet art des Brel, Brassens, Ferré, Nougaro, Béart, et leurs rares consœurs. Ils n’ont plus de secrets pour nous ! Mais que font les jeunes gens, si nombreux aujourd’hui, lorsqu’ils écrivent des chansons ? Et pourquoi le font-ils ?
Nous avons demandé à un certain nombre d’entre eux de nous l’écrire, histoire d’éclairer nos vieilles lanternes. Ce qui devrait, du même coup, faire baisser la moyenne d’âge des rédacteurs de ce site, ce qui n’est pas négligeable.
Après Buridane, c’est Gilles Roucaute* qui a répondu à notre invitation.
Ecrire, c’est un jeu. Un jeu de construction, brique par brique, où les mots sont libres et lego. Une idée allume la mèche et c’est parti… Longue ou courte, elle brûlera jusqu’à sa fin et il faudra alors ramasser, concentrer, éliminer les scories pour ne garder qu’une braise. Et en général ne rien garder car écrire, c’est jeter.
Ce petit objet, ce presque rien de paroles et de musiques, concentre parfois l’essentiel. Une mélodie, une idée de son, quelques mots simples viennent toucher à notre humanité et la révèlent. Bébête pour de vrai ou pour de faux, elle te décoche parfois, l’air de rien, une vérité vraie sous des apparences anodines de rengaine à deux sous. Une idée qui s’accroche et ne te lâchera plus. La Bonne du curé ou Les Yankees. Barbara ou Félicie. Y’a rien qui s’passe ou Le Zizi. We are the champions ou Born in the USA… Chacun les siennes, qui squattent un coin de sa tête où elles resteront pour le meilleur et pour le pire, pour le malheur ou pour le rire, prêtes à surgir pour un besoin ou pour un rien, une analyse de texte ou une envie de siffler en attendant le bus. Juste quelques mots posés sur quelques notes pour nous ouvrir sur… Ailleurs ? Nous-mêmes ?
Ecrire, c’est un je. Celui qui écrit, monstre d’égotisme, parle de lui. Mais celui qui écoute le vaut bien : il entend pour lui. Quels que soit l’auteur et ses intentions, le lundi au soleil réchauffe ma peau à moi. Ne me quitte pas parle de mes chagrins et de mes espoirs. Moi aussi, j’étais un gamin laid. Je me suis fait tout p’tit pour une poupée que je connais. Et c’est ma mer à moi dont je garde la mémoire. Ce que l’un a écrit pour lui, l’autre le reçoit pour lui. N’est-ce pas magique ? Ces quelques mots et quelques notes sont passés, par un chemin mystérieux, des tréfonds de l’un aux tréfonds de l’autre.
Un jeu et un je. J’écris des chansons parce que ça m’amuse, parce que je parle de moi et qu’en fait je parle de l’autre, parce que parfois ça marche : je trouve un chemin entre mon cœur et le sien. Et en fait surtout parce qu’il le faut. J’écris des chansons comme un enfant qui ne sait pas s’arrêter de jouer parce qu’il construit ainsi son rapport au monde.
Gilles Roucaute
* Gilles Roucaute, membre du collectif Les Frères de la côte, est un auteur, compositeur et interprète, auteur de trois CD 5 titres et d’un album 12 titres. Il est aussi le créateur du spectacle « Roucaute chante Springsteen », composé de chansons du « Boss » qu’il a adaptées en français. Le Nouveau Roucaute est actuellement en préparation.
Le site de Gilles Roucaute : http://roucaute.wix.com/roucaute
Bonjour
Je relais sur notre merci.
Merci pour Gilles