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peinture1Si l’on considère que le silence est une page blanche, la conception de l’environnement sonore d’une chanson (autrefois appelé son arrangement et aujourd’hui sa  production ) consiste le plus souvent à remplir intégralement cette « page blanche » et à faire disparaître les moindres interstices où sa blancheur pourrait encore apparaître.
Les peintres classiques ont travaillé de cette manière, masquant toute la surface de la toile avec des couleurs, mais en créant de nouveaux « espaces » grâce à l’intensité plus ou moins forte des tons utilisés, de la transparence jusqu’à la plus grande opacité.
La peinture chinoise, comme parfois la pratique de l’aquarelle, joue au contraire avec le support en laissant vierges certaines zones. Les artistes traditionnels chinois composent leurs paysages, ou d’autres sujets, en utilisant ces « vides » qui donnent de la profondeur aux motifs peints ou simplement aux traits. Ils font partie de la composition.
Ces vides ont leur équivalent en musique, c’est le silence. Les compositeurs de musique savante en jouent, les jazzmen aussi, seuls les chanteurs semblent vouloir faire reposer leurs chansons sur une épaisse couche de sons. Dans le meilleur des cas (notamment quand il s’agit d’un arrangement composé par un musicien compétent) la sensation d’espace et de perspective viendra de l’intensité des sons utilisés, des nuances, comme celles qu’on peut l’observer dans les toiles des maîtres des siècles passés. Mais le plus souvent, le remplissage systématique du silence ne donne aucune perspective, aucun relief, seulement une « image » plate, certes faite de sons agréables, mais sans réelle profondeur.
Dans la chanson (généralement) pas de « traits » qui se dessinent comme des arabesques sur un silence à peine habillé d’un souffle de contrebasse et d’un glissement soyeux de cordes ou de peau, point de respiration. Point de ces nuances pianissimo où la musique suspend son vol. Point de nuances musicales tout simplement, mais un mur de sons d’intensité égale tout du long, le plus opaque possible, sur lequel surnage ou se pavane une voix plus ou moins puissante, plus ou moins travaillée.
La chanson aurait-elle peur du vide, du silence et des nuances musicales ? J’entends déjà les bons esprits se gausser et dire que la plupart des chansons ne peuvent avoir peur du vide, car elles sont le « vide » ! Mais pour préciser et « nuancer » à mon tour je dirais que même les chansons dont les paroles contiennent des raffinements et des subtilités souffrent, à mon avis, de cette affection. Si les paroles jouent parfois avec le « non-dit », le « entre les lignes », la musique à laquelle elles sont mêlées ne donne que rarement à entendre « entre les notes », à deviner le silence initial. Un silence qu’on ne devrait pourtant jamais oublier. Mais après tout la chanson n’est pas une peinture chinoise et je commence à me demander si mon point de vue sur l’environnement sonore des chansons n’est pas un peu chinois.

Pierre Delorme

2 commentaires »

  1. Un partageux dit :

    Ah ! Toujours pas de commentaires.

    Je voudrais ajouter que le silence concerne aussi le chant lui-même. Combien de fois me suis-je dit que le chant mériterait de respirer en laissant quelques mesures aux musiciens qui l’accompagnent. Comme s’il fallait un débit de mitraillette en apnée pour prouver que l’on est un chanteur ou une chanteuse.

  2. Pascal dit :

    Très vrai pour ce qui concerne la chanson, Pierre.
    Mais hélas pas seulement la chanson…
    Et, en clin d’œil, exactement ce qu’écrivait Isabelle Lazier ici :
    http://www.lalpe.com/lalpe-51-mon-pays-cest-lhiver
    à propos du peintre chinois He Yifu.

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