Sur mon Teppaz, j’ai écouté Fort Chabrol par les Fantômes. En 1961, Dean Noton (guitare solo), Jacques Pasut (guitare rythmique), Danny Maranne (guitare basse) et Charles Benarroch (batterie) fondent un groupe instrumental dans la lignée des Shadows. Et comme les Shadows sont des ombres, et que les ombres peuvent désigner des fantômes… Voilà comment on passe du synonyme au grouponyme.
Autre chose : j’ignore s’il y a parmi vous, lecteurs, des campeurs en phase avec l’évolution de ce mode d’hébergement. Personnellement, je l’avoue, je n’ai découvert que tout récemment que la tente à sardines était du dernier ringard, que de nos jours on préférait le mobil-home, voire la yourte ou la caravane vintage clouée au sol. J’ai aussi appris que le comble de la modernité vacancière consiste à ne jamais sortir du périmètre du camping qui renferme une piscine, une supérette, un bar, un restaurant… et qui, surtout, propose des soirées. Ça m’aura pris du temps (d’un autre côté, la départementale qui mène au camping est souvent étroite, et sinueuse et la signalisation peut laisser à désirer), mais je suis parvenu à cette conclusion : Fort Chabrol ouvre des perspectives. En cas de soirée quiz pour commencer, où l’on poserait la question : « Quelle est l’origine de l’expression “Fort Chabrol” ? » C’est vrai, quoi, c’est comme pour « Fangio » – qui sert à stigmatiser tous les fous du volant –, qui est capable, sans le secours de Wikipédia, de donner la nationalité de ce pilote et de citer ne serait-ce que trois des vingt-quatre victoires en formule 1 de son palmarès qui s’arrête en… 1957 ? Alors, « Fort Chabrol » dont l’origine remonte plus loin que l’autre siècle… Pourtant, pas plus tard que le 24 mai dernier, RTL Info-Belgique rendait compte d’un « Fort Chabrol à Charleroi » : un « homme […] retranché dans un bâtiment situé en face de l’ancien commissariat de police du boulevard Mayence, […] avait commencé à causer du grabuge dans son quartier à partir de 16 heures, et jeté plusieurs objets par la fenêtre, dont une échelle ». Eh bien ce malheureux (la suite de l’article dit qu’il est « atteint de problèmes psychiatriques ») perpétue par son geste le souvenir d’un événement qui s’est déroulé en 1899, en marge du procès en révision d’Alfred Dreyfus : accusé de complot contre la sûreté de l’Etat, en même temps que d’autres personnages de son acabit, et sur le point d’être arrêté, Jules Guérin, président de la ligue antisémite et directeur de L’Antijuif, se réfugia au siège du Grand Occident de France, qui abritait aussi son journal (si on peut appeler ça comme ça) au 51 de la rue Chabrol, dans le dixième arrondissement de Paris.
On ignore quel Fort Chabrol du début des années 60 a inspiré le titre de cet instrumental composé par Jacques Dutronc. Encore inconnu du grand public, celui-ci a mis un pied chez Vogue où il est l’assistant du directeur artistique Jacques Wolfsohn, après avoir tenu la guitare chez les éphémères El Toro et les Cyclones où il a côtoyé Charles Benarroch.
Nantie de paroles par André Salvet et Lucien Morisse, Fort Chabrol, devenue Le Temps de l’amour, paraît en version oubliée par José Salcy, en version oubliable par Jean-Claude Pascal – à la recherche d’un public adolescent perdu d’avance – et en version à succès par Françoise Hardy*. YouTube étant – parfois – bien fait, on trouve de cette dernière version une variante idéale pour se préparer à l’autre incontournable du nouveau camping : la soirée karaoké. D’accord ?
René Troin
* Bien plus tard, en 1980, Jacques Dutronc gravera une version du Temps de l’amour à l’arrangement synthétique.
Les Fantômes, Fort Chabrol (musique : Jacques Dutronc – arrangement : Dean Noton), 1962.
Bien joué, René.
Juste une petite précision mais pas des moindres, Les Fantômes, c’est un groupe I-VRY-IEN !
Danny Marrane c’était le fils du maire d’Ivry, celui qui a défilé au côté de De Gaulle à la Libération.
Idoles de nos années d’adolescence, ils ont terminé bien tristement et leur carrière, et leur vie (pour certains).
Quelques dizaines d’années plus tard, Les Forbans ont été le groupe d’Ivryens que nos enfants ont plébiscité.
La roue tourne…
Toujours la belle plume de René