Sur mon Teppaz, j’ai écouté La Nuit… par Aimé Duval s. j. (1) « Quoi ?, crissent déjà certains qui nous lisent fidèlement, s’agit-il de celui-là même que Brassens évoqua dans un fameux couplet ? » Si fait, d’ailleurs je cite : « Le ciel en soit loué, je vis en bonne entente / Avec le père Duval, la calotte chantante / Lui, le catéchumène et moi, l’énergumène / Il me laisse dire “merde”, je lui laisse dire “Amen” […] »
La Nuit… du père Duval s’adresse à ceux qui veillent par devoir, aux « veilleurs de nuit, cheminots, soldats devant leur guérite »… à ceux qui souffrent aussi, les « opérés, les « trop chagrinés pour pouvoir dormir (2) ». À tous ceux qui, chacun dans sa solitude, partagent la même question qui donne son refrain à la chanson en forme de méditation : « Seigneur qui fis le monde / Pourquoi tu fis la nuit si longue / Si longue, si longue, si longue pour moi ? » Cette longue, longue, longue nuit (r)appelle la nuit du mont des Oliviers, la nuit de la Croix. Mais le père Duval, au contraire d’autres chanteurs « chrétiens », ne cède pas à la tentation de paraphraser, donc d’appauvrir l’Évangile. En peu de mots, il cerne des images intérieures qui aident à traverser la nuit : « Tu fis l’ivoire, l’ébène noire / Avec la neige dessus les toits. »
En écoutant la mélodie, inspirée par le blues et soutenue par la seule sobre guitare de l’interprète, on pense au Félix Leclerc du Train du nord. Et puis, au bout de cette Nuit, où attend l’« amitié / Pour partager tout par moitié », on en rejoint une autre (3), celle de Richard, que Léo Ferré voyait comme « une sœur de charité » pour « les pâles camarades / Qui venaient pour causer de rien ou d’amitié ». Tout s’éclaire.
René Troin
(1) Societas Jesu. Aimé Duval était un membre de la Compagnie de Jésus, un jésuite, autrement dit.
(2) Extraits des notes de pochette.
(3) À ne pas confondre avec La Nuit, un autre titre de Léo Ferré. (Note de Floréal).
Aimé Duval s. j. (paroles, musique, interprétation), La Nuit…, 1956.
Il parait que le père Duval avait tendance à abuser du pastis (vu son nom il aurait du se faire sponsoriser). Moi en tout cas, j’apprécie fort certaines de ses chansons telle La nuit…, mais encore J’ai joué de la flûte sur la place du marché, autre très belle chanson.
Ah ! quel type formidable avec ses chansons si profondes, pas du tout réservées aux chrétiens et autres croyants mais pour tout un chacun qui n’est pas encore trop sourd pour entendre et chanter « Qu’est-ce que j’ai dans ma p’tite tête pour chanter comme ça le soir ? »