Je n’écoute plus guère les nouvelles chansons dans leur entier, un couplet, un refrain me suffisent. J’ai l’impression d’avoir tout entendu déjà. J’ai usé ma curiosité et ma capacité à m’émouvoir. Parfois, je me dis que je paie là vraisemblablement la rançon de l’âge (disons en gros que j’ai rejoint les rangs des « vieux cons » qui pensent que « c’était mieux avant »), et d’autres fois je me dis que les chansons des jeunots sont quand même bien faiblardes, pas bien enthousiasmantes.
Il est vrai que lorsqu’on a été dans sa jeunesse frappé de plein fouet par Amsterdam, Ces gens-là, La Non-Demande en mariage, Dans l’eau de la claire fontaine, Avec le temps, La Mémoire et la mer, les chansons d’aujourd’hui peuvent sembler bien désuètes… Difficile d’être foudroyé par des chansons qui ne portent en elles aucun orage, aucune tempête. Et nulle chanson où l’on pressent « grande blessure dessous l’armure » comme chantait Félix (Le Tour de l’île).
Cela ne m’étonne qu’à moitié, car depuis que je fréquente de jeunes artistes qui écrivent des chansons, je ne sens chez eux aucune véritable émotion à marier les mots et la musique. Non, ils veulent simplement chanter, voire « faire ce métier », avec leurs propres chansons. Ils n’ont généralement pas de modèles, et l’idée d’être bouleversés par une chanson leur est complètement étrangère. Ne leur plaisent et ne les inspirent que les chansons qui parlent des petits drames du quotidien des classes moyennes. Aucun élan, aucune aspiration littéraire non plus.
Hier, j’ai écouté à la radio une émission consacrée à Louis Aragon, poète qui fut si souvent mis en musique. Pour illustrer les propos des invités on a diffusé Que serais-je sans toi ? chantée par Jean Ferrat. Je me suis retrouvé transporté illico dans la cuisine de mon enfance. La radio était posée au sommet d’un buffet. On entendait alors très souvent cette chanson, Que serais-je sans toi ?. Sans doute cela a-t-il contribué à me former l’oreille en ce qui concerne la chanson. Je ne comprenais pas toutes les images, mais certaines m’ont marqué. Ces années-là nous avons eu la chance de pouvoir entendre des chansons qui étaient de formidables mélodies populaires mariées à des textes poétiques de grande valeur. Et même les prolos, dont ma famille était, avaient ainsi accès à la poésie de Louis Aragon, par exemple, qu’ils auraient ignoré sans cette chanson.
Et tous ces jeunes auteurs d’aujourd’hui, qu’ont-ils entendu pendant leur enfance pour être aussi peu exigeants ? Cabrel ? Souchon ? Renaud ? Delerm et Bénabar ? Bien sûr, des auteurs très estimables, avec de jolies chansons. Mais nous, nous ouïmes dès notre plus jeune âge des cadors d’une autre trempe, et sans doute ceci explique-t-il cela. Nous sommes peut-être des vieux cons, d’accord, mais nous avons des circonstances atténuantes.
Pierre Delorme
Circonstance atténuante acceptée, Monsieur le Président.
Oui. C’est vraiment des propos dignes de vieux c… Être passé à ce point à côté de la richesse actuelle, de la diversité française actuelle, c’est flippant. Et peu sympathique pour les talents actuels. Je regrette mais Léon, J’ai voté Front national, Merci papa merci maman , par exemple, sont les nouveaux classiques de maintenant, qu’on le veuille ou non, et qu’on n’aille pas nous dire que ce sont juste des jolies chansons qui n’ont pas la force de etc., etc., etc. Ce sont des chansons fortes qui soutiennent sans difficulté la comparaison. Mais j’ose croire que cet article se veut plus provocant qu’autre chose…
Ni vous ni moi n’avons le pouvoir de décréter ce qui peut être considéré comme un « classique » ou non. Peut-être que les chansons que vous évoquez le deviendront (personnellement ça m’étonnerait), mais il est trop tôt pour le dire. Par définition, un « classique » s’impose sur la durée, de génération en génération. Un « classique de maintenant », ça n’existe pas. Cordialement
Pierre Delorme
J’aime beaucoup, lorsque quelqu’un donne son point de vue, le péremptoire « que vous le vouliez ou non » qui suit. Le point de vue devient vérité révélée, indiscutable, intouchable. C’est comme ça, vous n’y pourrez rien changer. Circulez !
Ma réaction est aussi ‘violente’ que la portée de l’article.
C’est à cause de raisonnement de ce type que des André Manoukian et autres confrères nous expliquent qu’il n’y a plus de chanteurs comme avant (et que du coup, les chanteurs à textes ont plus de difficulté à se faire entendre, simplement entendre, le talent n’y est pour rien).
Je n’y peux rien si cet article est profondément démago, et ce, même si je suis assez sensible en général aux points de vue de Pierre Delorme sur la chanson en général. Là je n’y peux rien, je trouve que c’est de la démagogie et du ‘nostalgisme’. ce n’est que mon point de vue, je n’ai jamais prétendu qu’il était une vérité révélée. S’il ne vous plaît pas : c’est une autre histoire.
Tenez, cet extrait :
‘Il est vrai que lorsqu’on a été dans sa jeunesse frappé de plein fouet par Amsterdam, Ces gens-là, La Non-Demande en mariage, Dans l’eau de la claire fontaine, Avec le temps, La Mémoire et la mer, les chansons d’aujourd’hui peuvent sembler bien désuètes… ‘
Eh bien je peux le reformuler autrement avec mon point de vue :
‘Il est vrai que lorsqu’on a été dans sa jeunesse frappé de récemment par Léon, J’ai voté Front national, Merci papa, merci maman (qui ne sont que des exemples), les chansons comme Amsterdam, Ces gens-là, La Non-Demande en mariage, Dans l’eau de la claire fontaine, Avec le temps, La Mémoire et la mer, paraissent bien désuètes… ‘
Enfin, excusez moi, mais précisons qu’entre l’époque de ces chansons et l’époque actuelle, vraiment actuelle, il y a eu des centaines et des centaines de chansons. Les ‘rimes féminines’ ou ‘sur l’oreiller’ de Juliette, des années 90 deviennent peu à peu des classiques. Ou des références. Certains chanteurs de l’époque de Brel continuent de nous émerveiller tant bien que mal (Aznavour, Sylvestre, Perret).
Quant à la phrase ‘un classique de maintenant’, ça n’existe pas : certes. Mais on sent très vite, si on a une bonne oreille et une intuition si la chanson d’un artiste deviendra un classique ou pas, c’est-à-dire une valeur sûre de son répertoire qu’il chantera dans 5, 10, 20, 30 ans.
Excusez-moi de ne pas réagir favorablement à cet article, pardonnez-moi de ne pas le trouver génial, bien troussé et exceptionnel. Je pourrais dire que je ne me sens pas concerné puisque je ne pousse pas la chansonnette, mais dans la mesure où il m’arrive de parler des artistes sur mes blogs, je réagis.
(De même que je ne suis pas d’accord avec vous, de toute façon, je n’oblige personne à être d’accord avec moi. Heureusement.)
Puisque l’article commence par ces mots en forme d’avertissement : « Je n’écoute plus guère les nouvelles chansons dans leur entier, un couplet, un refrain me suffisent » et que la précaution se manifeste par cette formule : « J’ai usé ma curiosité et ma capacité à m’émouvoir », la conclusion me semble de bon sens : « …disons en gros que j’ai rejoint les rangs des “vieux cons” qui pensent que “c’était mieux avant”… »
♫♪♫ La suite serait délectable
Malheureusement je ne peux
La dire et c’est regrettable
Ça nous aurait fait rire un peu… ♫♪♫
Moi, parce que j’ai aimé ces grands anciens, je continue à aimer ceux qui marchent sur leurs brisées. Et beaucoup d’entre eux savent encore m’émouvoir.
Parmi eux, pas des plus jeunes, j’en conviens, il y en a un qui s’appelle Pierre Delorme.
Oh merde, mon J’ai voté Front national est un classique d’aujourd’hui… Merci, M’sieur (ou Madame) LM, merci, merci… Mais pitié, tout le monde, faites que cette chanson ne soit pas un classique de demain. Faites-la disparaître de la mémoire collective. Rendez-là aussi désuète qu’un J’ai voté Poujade de 1960 et quelques… Merci d’avance.