Les crapauds et les rossignols sont de petits animaux modestes et fragiles. Un rien les emporte. Ils ont disparu par deux fois déjà dans le tourbillon des aléas du monde virtuel. Deux fois déjà, nous avons pensé ne plus jamais les revoir. Cette fois encore, tout était foutu ! Nous préparions les faire-part. Il s’est pourtant trouvé, une fois de plus, une âme de bonne volonté, et suffisamment compétente, pour les ramener à la vie. Les voici donc, un peu secoués certes, chancelants, chantant et coassant de travers, mais vivants et prêts à remonter en première ligne, où s’affrontent chanson « formatée » et chanson « de qualité », chanson à danser et chanson à cogiter, refrain de jadis et gimmicks d’aujourd’hui… Bref, ils sont prêts à mêler à nouveau leurs voix au concert des grandes vérités et autres âneries proférées à satiété sur cette pauvre chanson. Il n’y a pas de raison qu’ils ne le fassent pas, car s’il fallait attendre d’être certain de ne pas dire de bêtises pour oser s’exprimer, nous aurions perdu depuis longtemps l’usage de la parole.
Les « crapauds et rossignols », conscients toutefois de la fragilité de leur écosystème virtuel, ont pris idée de se réfugier dans une valeur sûre : le papier. Ils ont donc soigneusement trié et rangé leurs considérations chansonnières, fables et nouvelles, dans un ouvrage intitulé La Chanson des trois gars, et qui vient de paraître aux éditions L’Harmattan*. On pourra éventuellement l’acquérir, il sera d’un magnifique effet sur les rayons de la bibliothèque de l’amateur de chanson. Fort de quelque 300 pages, il sera également parfait pour caler un pied de table récalcitrant, voire le lutrin d’un chanteur « de paroles » à la mémoire qui flanche. On pourra éventuellement s’y référer avec délectation, ou perfidie, pour vérifier que le mauvais esprit des auteurs est toujours présent. Mauvais esprit dont nous ne sommes pas fiers bien sûr, mais dont il faut bien reconnaître qu’il nous a permis de donner là, à l’humanité francophone tout entière, l’ouvrage de référence ultime en matière de réflexion sur la chanson française. Et cela, en toute modestie, bien entendu, tels les crapauds et rossignols, fragiles petites bestioles qu’un rien emporte.
LTG
* Coll. « Autres Chants », dirigée par Anne Bernard.