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Collage Olgalienne

Collage Olgalienne

C’était une « soirée cabaret » ordinaire comme nous en organisons tous les trimestres à l’École nationale de musique de Villeurbanne. Les jeunes gens qui s’y expriment ont en moyenne entre dix-huit et vingt-cinq ans. Hasard ou circonstances, ceux qui ont chanté ce soir-là avaient choisi d’interpréter d’anciennes chansons (Vian, Brel, Piaf). D’autres, qui proposaient leurs propres compositions, abordaient (sans s’être concertés) un même thème : les vieilles personnes (leurs grands-parents ou non), la mémoire qui s’en va ou qui demeure, et aussi le thème de l’avenir (le leur) qui est très incertain…
Cette tendance à regarder en arrière et à se méfier de ce qui est devant, était frappante, condensée ici en quelques chansons de jeunes auteurs. C’est sans doute un reflet de notre époque qui ne propose pas grand-chose de bien stimulant aux nouvelles générations. Hier semble plus sûr que demain, c’est un refuge.
Il se trouve que la salle était en grande partie occupée ce soir-là par un public d’un âge certain, des membres des familles des participants, mais aussi un public de personnes qui aiment bien venir écouter de la chanson à 18h30, dans leur quartier*. Une jeune fille âgée de dix-huit ans, qui écrit de fort jolies chansons qu’elle interprète avec une voix très gracieuse, mais qui sans doute n’avait pas remarqué le grand nombre de personnes âgées dans le public, présenta sa chanson L’Avenir incertain, par ces mots : « J’ai dix-huit ans, je suis étudiante, et je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais je pense souvent à l’avenir »… Un ange bienveillant est passé sur la salle. Personne n’a ri, mais j’ai vu quelques sourires amusés flotter sur de vieux visages, et j’ai finalement été touché de voir ce public « d’anciens » ému par cette toute jeune fille chantant sa crainte de l’avenir. Car même si à partir d’un certain âge on sait trop bien de quoi demain sera fait, l’inquiétude des uns peut rejoindre celle des autres le temps d’une chanson, où dans un instant suspendu s’abolit alors la frontière invisible entre les générations. C’est là le pouvoir possible et passager d’une chanson, même maladroite et imparfaite de débutante. Ça se passe n’importe où, n’importe quand, avec n’importe qui, alors qu’on ne s’y attend pas.

Pierre Delorme 

* Ces « soirées cabaret » étaient au départ fréquentées par le seul public que constituent les élèves de l’école. Après quelques articles dans la presse locale, on voit venir à ces soirées (l’entrée est gratuite) des personnes d’âge mûr, voire respectable, qui habitent dans le secteur et que la chanson intéresse. Ce qui donne un public où la génération des jeunes adultes côtoie celle des plus anciens. C’est assez rare pour être souligné.

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