Sur mon Teppaz, j’ai écouté Tom Pillibi par Claude Robin. Ce ténor à l’accent léger a fait, dans les années cinquante, une belle carrière de repreneur de chansons. Comme métier, c’est beaucoup plus sympathique que repreneur d’entreprises : le premier partage des titres quand le second les confisque à son seul profit.
Claude Robin a donc chanté après Dario Moreno (Si tu vas à Rio), Dalida (Les Enfants
du Pirée), Les Compagnons de la Chanson
(Le Marchand de bonheur)… Mais surtout, il avait une prédilection pour les ritournelles de l’Eurovision. En 1959, déjà, il avait enregistré Oui, oui, oui, oui. Cet appel aux votes des jurés, défendu par Jean Philippe, avait valu une deuxième place à la France.
Un an plus tard, sur son dix-septième enregistrement (c’est dire si certains chanteurs aujourd’hui oubliés vendaient des disques) pour la maison Vogue, Claude Robin « a tenu à vous faire connaître, deux œuvres gagnantes », soulignent
les notes de pochette : Ce soir-là, que François Deguelt a chantée pour Monaco, et
Tom Pillibi, avec laquelle Jacqueline Boyer a signé une deuxième victoire pour la France – André Claveau l’avait déjà emporté deux ans plus tôt avec Dors, mon amour.
Je me souviens de Tom Pillibi. J’avais huit ans, et avec mes copains et leurs frangines, nous l’aimions beaucoup cette chanson. C’est normal, elle était de notre âge avec ses faux airs de Cadet Rousselle, ses horizons lointains autant que mystérieux (« Tom Pillibi a deux châteaux / Le premier en Écosse / […] / L’autre au Montenegro »), ses trésors de cape, d’épée et de vaisseaux pirates (« des ors et des coraux / Et les plus beaux joyaux »). Mais les vieux aussi y trouvaient leur compte avec ce couplet qui en laissait entendre nettement plus haut que notre innocence : « Tom Pillibi a deux secrets […] / La fille du roi lui sourit / Et l’attend dans sa chambre / La fille du roi lui sourit / Et la bergère aussi. »
Bref, elle était maligne, cette chanson-là, et son héros un fanfaron auquel Jacqueline Boyer, en guise de morale, accordait le pardon : « […] Il est charmant,
il a bon cœur / Mais il est si menteur / Que rien n’existe de tout cela / Mais je m’en fiche quand je suis dans ses bras / Car je suis reine de grand pays / Où il m’entraîne […]. » Dans la version qui nous occupe, la fin diffère, évidemment : « Parfois je doute de tout cela / Quand je l’écoute me raconter tout bas / Mille merveilles, mille folies / Qui m’émerveillent / Sacré Tom Pillibi. » Jolie feinte du roi de la reprise. Sacré Claude !
René Troin
Claude Robin, Tom Pillibi (paroles : Pierre Cour – musique : André Popp), 1960.
Pierre Cour ne s’était-il pas acoquiné avec Francis Blanche ? lol