En février dernier, dans l’article qu’il a consacré au livre Léo Ferré, la voix sans maître*, Floréal s’arrêtant sur une anecdote, rappelée par Jacques Vassal, l’auteur de cette copieuse biographie, écrivait : « Des premières rencontres liées à sa vocation de chanteur et de musicien, on s’amusera du rôle de prophète approximatif joué en 1941 par un Charles Trenet hautain qui, après avoir écouté Léo Ferré interpréter quelques-unes de ses premières chansons, lui assénera sèchement : “C’est très bien, mais je dois vous dire que vous n’interpréterez jamais vous-même vos chansons.” » Est-ce pour se venger de cette petite humiliation que Léo Ferré, quelques années plus tard, a « fait du Trenet », en gravant, le 29 avril 1953, Les Grandes Vacances ? Jolie coïncidence : cette chanson figurait sur le même 78-tours Odéon que Martha la mule. La mule… un animal qui a de la mémoire. Bien des papes vous le diront.
René Troin
* Cf. Ferré sans parti pris (rubrique « Des livres, des films »).
La chanson est au bout du lien :
La photo du 78-tours illustrant ce billet est extraite du site :
Je ne partage pas vraiment l’avis de Jacques Vassal. Trenet avait des défauts mais il était tout sauf bête, il était musicien, et il avait du goût. D’ailleurs Ferré est cité dans sa chanson « Moi j’aime le music-hall » et plus tard à France Inter Léo interprétera en direct Que reste-t-il de nos amours ? J’y vois plutôt une réflexion commune à cette époque (Brassens ne songeait pas à interpréter ses chansons, il cherchait à les placer.) C’était le temps où les chanteurs étaient ce qu’on appelait « des gravures de mode » et Trenet pressé ou mal luné ce jour-là, ça arrive, a peut-être voulu signifier à Ferré que côté « look » il y avait un petit effort à faire. Léo ne trouvera d’ailleurs son look définitif qu’en 68. Après la période canne et chapeau melon, un peu curieuse. Je me suis toujours efforcé de répondre aimablement aux jeunes qui me sollicitaient, mais peut-être aussi une fois ou deux ne l’ai-je pas fait, à un moment où j’avais d’autres soucis en tête ou sur le cœur. Cela autorisera-t-il quelqu’un à écrire plus tard que j’étais « hautain » et « approximatif » ? Chacun arrange l’histoire à sa façon et il faut recouper plusieurs fois l’information avant d’émettre un jugement sur une personne. Trenet était complexe, Ferré aussi.
Le propos rapporté dans l’article de René ci-dessus n’est pas de Jacques Vassal, Gilbert, mais de moi. Sur le côté « hautain » de Trenet, peut-être aurais-je dû ajouter « en la circonstance ». Pour l’aspect « approximatif » de sa prévision, force est de reconnaître, en revanche, que Trenet s’est trompé, à ce moment-là, sur le devenir de Ferré. Ce n’est pas un jugement, c’est une constatation.
A Floréal, Gilbert Laffaille, et même à Jacques Vassal (si d’aventure ce billet lui tombait sous les yeux),
Au temps pour moi : ma phrase n’était pas claire, au point qu’au moment de valider le commentaire de Gilbert, je n’ai pas sourcillé en lisant qu’il attribuait à Jacques Vassal un point de vue qui appartient à Floréal. En guise d’explication – et non d’excuse –, j’avancerai le fait que j’ai rédigé ce texte il y a plusieurs semaines et que la pluie qui tombe depuis trois jours m’endort un peu la vigilance.
J’ai corrigé le passage incriminé afin de lever toute ambiguïté.
Dont acte, mon cher Floréal ! A l’Ecluse aussi ils se sont trompés en ne programmant pas Brassens et quelques autres. En l’occurrence aujourd’hui le numérique me fait assez peur, les mêmes erreurs étant reproduites à l’infini. J’ai été obligé de m’inscrire sur Wikipédia pour corriger l’article me concernant où figuraient une bonne vingtaine d’erreurs.
La plus flagrante étant que j’avais fait des études qualifiées de « chaotiques » : j’étais titulaire d’une licence et d’une maîtrise de lettres à 22 ans, je ne vois pas ce que cela a à voir avec le chaos. Pourtant sur le site de Rfi les mêmes inexactitudes figurent toujours. Je crois que de nos jours il faut faire encore plus attention à ce que l’on écrit, surtout si l’on n’a pas été un témoin direct. Trenet a peut-être été hautain, ce ne serait pas étonnant, Ferré en a peut être rajouté, ce ne serait pas étonnant non plus. Nous n’avons pas assisté à la scène. Ce qui est sûr c’est que Ferré était un débutant et Trenet une grande vedette. Et que souvent en France on a tendance à en vouloir un peu aux grandes vedettes, toujours un peu suspectes.
Voici le passage du livre de Jacques Vassal auquel je faisais donc allusion dans mon article. Cela doit se passer en 1941-42 :
« A quelque temps de là, Léo apprend que Charles Trenet, dont il est un fervent admirateur, va chanter à Montpellier. (…) Ferré va assister au spectacle et parvient – par l’intermédiaire de son pianiste et imprésario – à attirer l’attention de l’auteur de Je chante. Après les derniers rappels de Trenet, Léo lui chante quelques-unes de ses premières œuvres en s’accompagnant sur le piano de scène. La vedette est peu impressionnée et lui assène sèchement : ˝C’est très bien, mais je dois vous dire que vous ne chanterez jamais vous-même vos chansons.˝ C’est du moins en ces termes que Léo Ferré racontera l’anecdote au micro de France Culture, près d’un demi-siècle plus tard, ajoutant simplement : ˝Je n’ai jamais compris pourquoi.˝ »
Ecouter un artiste me chanter plusieurs chansons lorsque je sors de scène, je ne pourrais pas. Est-ce bien le bon moment pour faire entendre sa production ? Tiens, essayez de faire ça aujourd’hui avec Stromae…
Gilbert, tu as vraiment l’intention de chanter tes chansons à Stromae à sa sortie de scène ?… J’aurai mal lu !… Je te rejoins : on trouve de drôles de choses sur l’internet.
P.S. Cela dit, ça ne lui porterait pas préjudice à Stromae.