Voilà cinquante ans, Phil Ochs publiait son premier trente-centimètres : All the News That’s Fit to Sing – en français : Toutes les nouvelles qui méritent d’être chantées. Le titre aurait pu traverser l’Atlantique et orner la pochette du nouveau CD de Céline Caussimon. En 1964,
le « journaliste chantant » (« The Singing Journalist ») traitait des sujets qui fâchaient l’Amérique d’alors : la guerre du Vietnam, Cuba, l’assassinat de Medgar Evers… Un demi-siècle plus tard, et en France, Céline Caussimon, qui signe tous ses textes, explore avec humour ou gravité l’actualité digne d’être commentée : les réseaux sociaux (Chanson amicale), la modernité illusoire (Installez-vous), la rebelle du panel (La Ménagère de moins de cinquante ans). Mais c’est l’immigration qui fait la une, en trois titres très forts : Exit !, La Camisole et Nous dirons quoi ? (Shiva).
Ici, les chansons ne se laissent pas toutes adopter à la première écoute. Les vers n’ont pas la régularité ni la métrique confortables. L’auteur use du pentamètre
(« Je m’étais tapie / […] /Et tout aplatie / […] »), de » l’heptamètre (« Vous pensez la camisole / Elle est faite pour les fous/ […] ») et ne recule pas face à l’enjambement ([…] / Tu entends et tu ne dis rien tant / Que ce n’est pas toi que l’on invite / […] »). Bref, à l’invitation de Verlaine, soucieuse de « musique avant toute chose », Céline Caussimon « préfère l’impair ». Et ça marche, car elle a des pairs compositeurs à la hauteur. Emilie Marsh, Gabriel Levasseur, Jean-Luc Priano, Mickaël Guillaume et Jean-Yves Lacombe ont le sens des mélodies accidentées. Gérard Pierron, lui est plus « classique ». Céline Caussimon lui a donné son texte le plus sage – tout en vers de douze et de six pieds. Ils s’appelle Les Vieux Enfants : « Ce sont de vieux enfants que l’on voit dans les bars / A plus de quarante ans, ils jouent au ballon de blanc / Font la course en avant et les braves de comptoir… / […]. » On n’est plus là dans les nouvelles du temps. Car il est aussi un temps pour autre chose – même Phil Ochs savait mettre de côté sa colère pour s’ouvrir à la tendresse ou à la compassion.
L’orchestre réunit les cordes de Cécile Girard (violoncelle), Vincent Imbert (violons) et Jean-Yves Lacombe (contrebasse). Louis Theveniau est aux clarinettes, Thierry Bretonnet à l’accordéon et Mina Ghobrial au piccolo. A lire comme ça, on les entendrait bien jouer dans une chambre trop bien rangée. Ce serait compter sans Etienne Champollion, l’arrangeur, qui sait à bon escient sonner drôlement du piano jouet, du glockenspiel et de la boîte à musique. Le même assure les chœurs avec Emilie Marsh, Halima Sahari et Manu Heyner. Céline Caussimon joue le texte, en comédienne, autant qu’elle le chante dans les médium, d’une voix plus retenue que sur scène – de mémoire de spectateur déjà ancien, en tout cas.
A vérifier lors d’un spectacle de la tournée bientôt d’actualité.
René Troin
Céline Caussimon, Attendue, 1 CD 12 titres (dont un instrumental caché) + 1 livret 12 pages (mention spéciale aux photos signées LuLu), Socadisc/Absilone.
Mademoiselle Caussimon est une perfectionniste, ça fait bien 4 ou 5 ans que ces chansons sont interprétées, peaufinées en scène, et l’album est un aboutissement, comme un chef-d’œuvre dont chaque pièce a été travaillée finement… Et ses concerts sont toujours des moments de bonheur…